Édition du 2 juin 2025
Les PFAS dans l’eau : une menace invisible et persistante
Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont un groupe de composés chimiques synthétiques utilisés depuis les années 1940 pour leurs propriétés antiadhésives, imperméables et résistantes à la chaleur. On les retrouve dans une foule de produits du quotidien : emballages alimentaires, textiles, mousses anti-incendie, cosmétiques, peintures, revêtements de poêles antiadhésives, etc. Lorsqu’ils sont rejetés dans l’environnement, les PFAS y persistent pendant des décennies, c’est pourquoi nous les qualifions de « polluants éternels ».
D’où viennent les PFAS dans l’eau?
Les PFAS peuvent se retrouver dans l’eau de diverses façons. L’une des principales sources est le rejet direct par les industries qui les fabriquent ou les utilisent. Cela peut se produire à travers les eaux usées industrielles ou les émissions atmosphériques qui retombent ensuite dans les sols et les plans d’eau.
Les sites d’enfouissement, les stations d’épuration et les lieux d’entraînement où l’on utilise de la mousse anti-incendie (par exemple, les bases militaires ou les aéroports) sont aussi des sources notables. Ces mousses, appelées AFFF, sont riches en PFAS et, lorsqu’elles sont utilisées en grande quantité, elles contaminent les sols, les eaux souterraines et de surface.
Une autre voie importante est la dégradation de produits contenant des PFAS dans les décharges. Quand ces produits se décomposent, ils libèrent les substances dans les lixiviats (liquides issus des déchets), qui peuvent s’infiltrer dans les nappes phréatiques ou rejoindre les rivières.
Enfin, comme les PFAS sont très mobiles dans l’eau, ils peuvent voyager sur de grandes distances et contaminer des sources éloignées de leur point d’origine.
Les impacts sur les êtres vivants
Bien que les connaissances sur les impacts des PFAS sur la santé humaine ne cessent de s’améliorer, celles-ci restent tout de même sommaires. Jusqu’à maintenant, les études ont surtout porté sur deux composés faisant partie des PFAS, soit les perfluorooctanes sulfonates (PFOS) et les acides perfluorooctanoïques (PFOA), et les conclusions ne peuvent être étendues à tous les polluants éternels. Cependant, les National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine (NASEM) reconnaissent que les PFAS peuvent diminuer la réponse immunitaire à la vaccination, entraîner la dyslipidémie (maladie chronique caractérisée par un niveau anormal de lipides dans le sang), occasionner un faible poids à la naissance et augmenter les risques de cancer du rein.
De plus en plus de recherches suggèrent que la faune pourrait subir des effets similaires en cas d’exposition. L’Environmental Working Group (EWG), a créé une carte interactive qui rend compte de la présence des PFAS dans la faune du monde entier. Celle-ci confirme que de nombreuses espèces dans le monde sont déjà exposées aux polluants éternels et risquent de voir leur santé affectée.
Des pistes d’actions
Face à ces menaces, plusieurs pays, dont le Danemark, la Suède et certains états américains ont établi des recommandations concernant la présence de certains PFAS dans l’eau potable. Au Canada, un seuil de 30 nanogrammes par litre (ng/L) a été fixé pour 25 PFAS détectés dans l’eau potable.
Le charbon actif, la filtration sur membrane à haute pression (osmose inverse et nanofiltration) et les résines anioniques sont les traitements généralement reconnus pour réduire la quantité de certains PFAS dans l’eau potable. Cependant, les coûts pour le traitement posent un sérieux frein à l’utilisation de ces méthodes. Elles s’accompagnent également d’enjeux environnementaux, car les PFAS sont très persistants. Cela rend l’élimination des boues, filtres et résidus issus du traitement extrêmement problématique.
La réduction à la source constitue le meilleur moyen pour se prémunir contre les effets nocifs des PFAS. Ainsi, au Canada, le Règlement sur certaines substances toxiques interdit depuis 2016 de fabriquer, de vendre ou d’importer certains polluants éternels (PFOS, PFOA, LC-PFCA) et d’importer des biens de consommation pouvant en contenir.
De son côté, la France est allée encore plus loin en adoptant, en février 2025, l’ambitieuse proposition de loi « visant à protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoroalkylées ». Celle-ci interdit l’usage des PFAS dans les cosmétiques, les produits de fartage pour les sports de glisse et les textiles. Des exceptions sont faites pour les usages essentiels telles que la fabrication de vêtements ignifuges pour les pompiers. Elle instaure également une redevance sur les rejets industriels dans l’eau sur le principe « pollueur-payeur ».
Enfin, la sensibilisation du public demeure essentielle. En comprenant mieux les sources de contamination et d’exposition, les citoyens et citoyennes peuvent faire des choix de consommation éclairés et exiger de leur gouvernement des actions concrètes pour lutter contre cette pollution éternelle.
Sources :
- Gouvernement du Canada (2024, 9 août), « Parlons d’eau : Substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) dans l’eau potable) », consulté le 5 mai 2025.
- Mandard, Stéphane (2025, 20 février), « PFAS : la France se dote d’une des lois les plus ambitieuses au monde », Le Monde, consulté le 5 mai 2025.
- Michaud-Tétreault, Julien; Perron, Stéphane et Huot, Caroline « Effets potentiels des PFAS sur la santé (fiche technique) », INSPQ, consulté le 5 mai 2025.
- Moran, Anaïs, (2025, 20 février), « Pfas : la loi visant à restreindre l’usage des « polluants éternels définitivement adoptée par le Parlement », Libération, consulté le 5 mai 2025.
- Pereg, Daria et Charrette, Tania (2023, 17 août), « Limiter l’exposition aux PFAS (fiche technique) », INSPQ, consulté le 5 mai 2025.
- Ponce, Gabriela; Pereg, Daria; Valcke, Mathieu et Perron, Stéphane (2023, 17 août), « Sources d’exposition aux PFAS (fiche technique) », INSPQ, consulté le 5 mai.