Le leadership horizontal

Édition du 6 octobre 2025

Réinventer le leadership : quand la bienveillance devient une force

Écrit par Karine Dauphin, ROBVQ

Au cours des dernières années, je me suis inter­ro­gée sur mon style de leader­ship et sur la qualité de mes rela­tions. Ce travail m’a conduite à préci­ser ce que signi­fie, pour moi, exer­cer un leader­ship dans mes fonc­tions actuelles de direc­trice géné­rale du Regrou­pe­ment des orga­nismes de bassins versants du Québec (ROBVQ). Cette réflexion s’ins­crit égale­ment en réac­tion à une tendance obser­vée chez certains diri­geants et certaines diri­geantes : la montée d’un leader­ship auto­ri­taire.  

Pour appro­fon­dir ma démarche, je me suis inspi­rée des écrits de Jacinda Ardern, ancienne Première ministre de Nouvelle-Zélande, qui affirme la puis­sance poli­tique et trans­for­ma­trice de la gentillesse, ainsi que de Saman­tha Slade, autrice du livre « Le leader­ship hori­zon­tal : instau­rer une orga­ni­sa­tion non hiérar­chique, une pratique à la fois  », qui promeut une gouver­nance fondée sur l’écoute, la trans­pa­rence et la cores­pon­sa­bi­lité. Ces modèles m’ont permis de comprendre que mon approche relève d’un nouveau para­digme: un leader­ship plus humain, ancré dans la bien­veillance, l’écoute et l’au­then­ti­cité. Et si nous revi­si­tions notre manière de mobi­li­ser pour en faire un véri­table moteur de chan­ge­ment, à la fois collec­tif et indi­vi­duel? 

Mon analyse ques­tionne le modèle tradi­tion­nel, centré sur l’au­to­rité, la ratio­na­lité et la perfor­mance, qui a long­temps dominé nos sphères poli­tiques, écono­miques et sociales. Face aux défis contem­po­rains (crise clima­tique, tensions sociales, baisse de la confiance envers les insti­tu­tions), ses limites appa­raissent. À l’in­verse, un leader­ship fondé sur la bien­veillance, l’écoute et l’au­then­ti­cité gagne en légi­ti­mité et en effi­ca­cité. Il ne s’agit pas de renver­ser l’an­cien para­digme, mais de l’élar­gir: mettre l’in­fluence au service d’une trans­for­ma­tion humaine et collec­tive.  

Le leader­ship tradi­tion­nel valo­rise la maîtrise, la distance émotion­nelle et la prise de déci­sion rapide. Ce style a long­temps exclu des quali­tés essen­tielles à la mobi­li­sa­tion collec­tive: créer du lien, recon­naître ses vulné­ra­bi­li­tés, incar­ner une vision porteuse de sens. En consi­dé­rant ce modèle comme le seul valable, on a limité l’in­no­va­tion rela­tion­nelle et la gouver­nance fédé­ra­trice. Aujour­d’hui, les orga­ni­sa­tions et la société souhaitent des personnes qui dirigent autre­ment et rassemblent autour d’elles. 

Dans cette quête d’un leader­ship plus humain, l’exemple de Jacinda Ardern, ancienne Première ministre de Nouvelle-Zélande, m’ap­pa­raît comme une réfé­rence inspi­rante. Elle incarne un leader­ship fondé sur la bien­veillance et l’au­then­ti­cité, démon­trant que la gentillesse peut être une force poli­tique, en privi­lé­giant l’écoute, la trans­pa­rence et la proxi­mité dans sa gouver­nance, et en plaçant l’hu­main au cœur de ses déci­sions, même en temps de crise. 

Dans cette même dyna­mique, le modèle proposé par Saman­tha Slade (« Le leader­ship hori­zon­tal ») offre une voie concrète pour décons­truire le modèle domi­nant. Il repose sur le partage du pouvoir, la co-respon­sa­bi­lité et la recon­nais­sance des compé­tences de chacun et chacune. Ce modèle favo­rise l’in­tel­li­gence collec­tive et permet aux équipes de prendre des déci­sions ensemble, en valo­ri­sant la diver­sité des points de vue. 

La bien­veillance, loin d’être naïve, devient une stra­té­gie assu­mée: empa­thie, trans­pa­rence, courage émotion­nel. Elle renforce la confiance, apaise les tensions et favo­rise la coopé­ra­tion. Ce leader­ship s’in­carne dans des choix concrets: commu­ni­ca­tion claire et humaine, recon­nais­sance des émotions, atten­tion aux dyna­miques d’équipe. Il trans­forme la rela­tion au pouvoir, la rendant plus hori­zon­tale, incar­née et durable.  

Ce nouveau modèle valo­rise l’au­then­ti­cité, la cohé­rence entre paroles et actes, et la capa­cité à prendre soin des autres, du collec­tif, de soi-même. Il place l’hu­main au cœur du pouvoir. 

Le leader­ship fondé sur la bien­veillance n’est pas une utopie: c’est une réponse adap­tée aux enjeux de notre époque. Il invite à repen­ser nos repères, à élar­gir notre regard sur ce que signi­fie diri­ger. Ce modèle, plus humain et incarné, répond aux aspi­ra­tions d’une société en quête de sens, de justice et de cohé­sion. Nous pouvons aujour­d’hui assu­mer plei­ne­ment ce cadre d’ac­tion: exer­cer un pouvoir qui prend soin et qui fait gran­dir.