Baie de Cap-Chat (Gaspésie) au printemps

Édition du 3 février 2025

Avoir moins de neige, c’est problématique?

Écrit par Caroline Gagné

Ressources natu­relles Canada confirme que le nombre de jours de couver­ture de neige par saison dimi­nue de 5 à 10 % par décen­nie depuis le début des années 80. Cette tendance se pour­sui­vra assu­ré­ment avec le réchauf­fe­ment clima­tique qui entraîne des accu­mu­la­tions de neige plus tardives à l’au­tomne et des fontes précoces au prin­temps. Nous en trou­ve­rons plusieurs qui n’aiment pas sortir leur pelle pour applau­dir à cette nouvelle. C’est sans savoir que la neige joue un rôle essen­tiel dans les écosys­tèmes et nous procure de nombreux bien­faits.

Réserve d’eau capi­tale 

La neige consti­tue une réserve d’eau qui est emma­ga­si­née sur le sol pendant la froide saison. Jusqu’à récem­ment, nous n’avions connu que des prin­temps où la neige fondait graduel­le­ment dans les hauteurs, abreu­vant pendant une bonne partie de l’été les cours d’eau, remplis­sant les réser­voirs des centrales hydro­élec­triques et recons­ti­tuant les réserves en eau des sols, ce qui est impé­ra­tif pour l’agri­cul­ture. D’ailleurs, le Gouver­ne­ment du Canada rapporte qu’au moins le tiers de l’eau utili­sée dans le monde pour l’ir­ri­ga­tion des cultures provient de la fonte des neiges.

Les préci­pi­ta­tions sous forme liquide qui tombent main­te­nant plus souvent pendant l’hi­ver ne peuvent remplir le même rôle que les réserves en neige. Effec­ti­ve­ment, la pluie s’éva­pore rapi­de­ment, souvent avant même d’avoir rejoint les cours d’eau. Ainsi, les sols se trouvent assé­chés au moment où les produc­teurs et produc­trices agri­coles ont le plus besoin d’eau, au cœur de l’été. 

Diffi­cile de croire que le Québec, qui possède 3% de toute l’eau douce de la planète, doive déjà faire face à des pénu­ries. C’est pour­tant bien le cas. Les plans direc­teurs de l’eau (PDE) 2024–2034, élabo­rés par les orga­nismes de bassins versants (OBV) du Québec en colla­bo­ra­tion avec les acteurs et actrices de l’eau de leur terri­toire, sont très révé­la­teurs. Sur une possi­bi­lité de 3 à 6 caté­go­ries de problé­ma­tiques prio­ri­taires, les caté­go­ries « étiage sévère » ou « problème d’ap­pro­vi­sion­ne­ment en eau » ont été choi­sies par la moitié des 40 OBV. Ces résul­tats peuvent être asso­ciés en partie à des séche­resses.

Avec la dimi­nu­tion des réserves d’eau sous forme de neige, les produc­teurs et produc­trices agri­coles sont forcés d’adap­ter leurs pratiques, notam­ment en irri­guant plus fréquem­ment les champs. Selon l’Ins­ti­tut de recherche et de déve­lop­pe­ment en agroen­vi­ron­ne­ment (IRDA), la super­fi­cie des champs de pommes de terre arro­sée arti­fi­ciel­le­ment a triplé depuis 20 ans dans la province!

Les séche­resses ne nuisent pas seule­ment à l’agri­cul­ture. Avec des sols plus secs, on doit s’at­tendre à faire face plus fréquem­ment à des feux de forêt qui affectent direc­te­ment les popu­la­tions locales, mais aussi le secteur écono­mique, notam­ment le tourisme et l’in­dus­trie fores­tière.

« Manteau blanc »

Ce n’est pas un hasard si les chan­sons de Noël parlent de la neige comme étant un « manteau blanc ». Cette tour­nure poétique met en lumière le fait que la neige agit comme isolant. Effec­ti­ve­ment, le couvert de neige permet de garder le sol à une tempé­ra­ture constante avoi­si­nant le 0°C. Ainsi, le sol ne gèle pas en profon­deur et l’ac­ti­vité micro­bienne peut subsis­ter, préser­vant ainsi l’équi­libre écolo­gique. Une fonte trop précoce peut d’ailleurs mettre en péril la végé­ta­tion qui sera alors expo­sée aux risques de regels. Les plants de petits fruits sont parti­cu­liè­re­ment vulné­rables.  

Ce manteau de neige permet aussi à de nombreux animaux de survivre à l’hi­ver en profi­tant de la tempé­ra­ture plus clémente et en échap­pant à la vue des préda­teurs. C’est notam­ment le cas de la souris à pattes blanches, des mulots, des musa­raignes et des campa­gnols qui se fraient des tunnels sous la neige. 

Attrait cultu­rel et touris­tique 

Le Québec, avec ses décors ennei­gés féériques, est reconnu comme une desti­na­tion idéale pour profi­ter de l’hi­ver. Les balades en trai­neaux à chiens, les pentes de ski et les sentiers de moto­neiges font le bonheur des visi­teurs et visi­teuses, ainsi que de la popu­la­tion locale. Les périodes d’en­nei­ge­ment plus courtes forcent déjà l’in­dus­trie récréa­tive et touris­tique à se réin­ven­ter. 

Plus profon­dé­ment, la neige est dans le cœur de beau­coup de Québé­cois et Québé­coises. C’est un élément cultu­rel rassem­bleur qui a contri­bué à défi­nir qui nous sommes, notre manière de se diver­tir, de se vêtir et de célé­brer. Il en est de même pour les membres des Premières Nations qui voient, avec les trans­for­ma­tions de l’hi­ver, leurs acti­vi­tés tradi­tion­nelles comme la chasse et le piégeage être pertur­bées. 

C’est main­te­nant indé­niable que la dispa­ri­tion graduelle de la neige conti­nuera de boule­ver­ser les écosys­tèmes et notre mode vie. Nous ne pour­rons peut-être pas sauver l’hi­ver québé­cois, mais nous devons pour­suivre nos efforts collec­tifs pour frei­ner le réchauf­fe­ment de notre planète et limi­ter les dégâts.