Édition du 3 février 2025
Agriculture et gestion de l’eau: un équilibre à préserver pour un avenir durable
Peut-on alléger les règles administratives pour les producteurs et productrices agricoles tout en garantissant la pérennité de nos ressources en eau ? Ce questionnement est au cœur du dernier mémoire publié en décembre dernier par le Regroupement des organismes de bassins versants du Québec (ROBVQ). En réponse aux propositions gouvernementales d’assouplissement réglementaire, nous avançons quatre recommandations concrètes pour que le progrès administratif n’aille pas à l’encontre de la résilience environnementale.
La première recommandation interpelle directement les décideurs: pourquoi ne pas réinvestir les économies générées par la simplification administrative au bénéfice des organismes de bassins versants (OBV)? Ces organismes dévoués à la gestion durable de l’eau et véritables gardiens de nos écosystèmes aquatiques manquent cruellement de ressources pour collecter les données nécessaires à une gestion proactive et éclairée de l’eau. À l’heure où les changements climatiques accentuent les pressions sur nos bassins versants, pouvons-nous vraiment nous permettre de négliger cet investissement stratégique? Chaque dollar réaffecté aux OBV pourrait non seulement combler les lacunes d’information, mais aussi prévenir des conflits d’usage coûteux à moyen terme.
Ensuite, la rigueur des données devient un enjeu incontournable. La deuxième recommandation insiste sur la nécessité de maintenir des exigences strictes en matière de précision des informations sur les prélèvements d’eau. Imaginez un instant les conséquences d’estimations trop approximatives: des prélèvements mal évalués, des décisions mal informées, et, au bout du compte, des écosystèmes fragilisés. Mais cela ne veut pas dire imposer des lourdeurs inutiles aux productrices et producteurs agricoles. Au contraire, il s’agit de leur fournir des outils simples et efficaces pour déclarer leurs prélèvements, tout en leur offrant un accompagnement technique adapté. Les OBV, avec le soutien du gouvernement, pourraient jouer un rôle clé dans cette transition en devenant de véritables alliés des producteurs et productrices agricoles.
La troisième recommandation se veut une mise en garde. Reporter la mise à jour des analyses de vulnérabilité des sources d’eau potable à neuf ans, comme le prévoit le projet actuel, ne devrait être qu’une exception soigneusement justifiée. En neuf ans, les conditions climatiques et hydrologiques peuvent évoluer de manière dramatique. Comment garantir la sécurité de l’eau potable des municipalités si nous nous appuyons sur des données obsolètes? Ce n’est pas une question de pessimisme, mais bien de prudence. Lorsque les risques sont connus et maîtrisables, un tel délai peut se justifier. Mais dans les zones où les ressources en eau sont vulnérables, chaque année sans mise à jour pourrait mettre en péril la résilience des collectivités. Le cycle de cinq ans devient alors un minimum pour ce genre de situation.
Enfin, une question fondamentale se pose: peut-on assouplir le contrôle des pesticides sans compromettre la qualité de nos eaux et mettre en péril la santé publique? La réponse est claire dans notre mémoire: il faut maintenir l’obligation de justification agronomique pour l’utilisation des produits les plus à risque. Les pesticides ne sont pas des substances sans risques. Leur usage, s’il est mal encadré, peut entraîner une contamination durable des nappes phréatiques et des cours d’eau. Supprimer cette justification reviendrait à faire un pari risqué sur la santé de nos écosystèmes, un pari que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre. Dans ce cas-ci, il faut faire appel au principe de précaution que l’on trouve dans la Loi sur le développement durable et maintenir un accompagnement et une validation pour un meilleur contrôle.
En somme, ce mémoire n’est pas une opposition de principe à l’allègement réglementaire. Bien au contraire, il propose un équilibre réfléchi entre simplification administrative et responsabilité environnementale. À travers ces quatre recommandations, nous appelons à une action politique audacieuse, où les gains à court terme ne se font pas au détriment des générations futures. La question est ainsi posée : comment choisirons-nous de protéger l’eau, ce bien commun irremplaçable, tout en soutenant nos productrices et producteurs agricoles, qui sont au cœur de nos communautés et de notre économie ? La réponse se trouve peut-être dans une gestion où tous les citoyens et toutes les citoyennes, les producteurs et productrices agricoles, les municipalités, et les OBV jouent un rôle actif et concerté.
Pour consulter notre mémoire sur le projet de loi omnibus en environnement visant l’allègement réglementaire pour le secteur agricole, rendez-vous sur le site du ROBVQ.