De l’importance des perceptions culturelles et traditionnelles dans la préservation de la ressource en eau

Édition du 3 juin 2024

De l’importance des perceptions culturelles et traditionnelles dans la préservation de la ressource en eau

Écrit par Kevin Jourdan, ROBVQ

Repen­ser notre rapport à l’eau

Et si les solu­tions pour résoudre les enjeux présents et futurs se trou­vaient d’ores et déjà inscrites dans notre histoire, dans nos tradi­tions ?

“Ce n’est qu’avec le passé que l’on construit l’ave­nir” – Anatole France

Dans une société où les enjeux écono­miques à court terme prennent bien trop souvent le dessus sur les consi­dé­ra­tions envi­ron­ne­men­tales, à une époque où les épisodes clima­tiques extrêmes tendent à se multi­plier, il est primor­dial de repen­ser notre rapport à l’eau. Car si l’eau est une ressource indis­pen­sable à la vie, au cœur même du déve­lop­pe­ment des civi­li­sa­tions, sa gestion et sa préser­va­tion varient gran­de­ment à travers le monde. Les percep­tions cultu­relles et tradi­tion­nelles jouent un rôle crucial dans la manière dont les commu­nau­tés inter­agissent avec cette ressource précieuse. Pour exemple, dans les socié­tés à tendances animistes (tels que le Japon ou les Premières Nations nord-améri­caines), il n’est pas rare de person­ni­fier les rivières en leur attri­buant un prénom, ou un nom lié à son histoire. De ce type d’ap­proche nait une rela­tion de proxi­mité presque “filiale” avec l’élé­ment, le mettant par lien de causa­lité au cœur de la vie de la commu­nauté.

Par oppo­si­tion, si l’on remonte quelques centaines d’an­nées en arrière, dans l’Eu­rope du XVIIIe et XIXe siècle, on retrouve porté par des figures clés telles que Carl von Linné (Linnæus), le comte de Buffon, ou Charles Darwin, le courant dit natu­ra­liste, avec comme objec­tif prin­ci­pal de compi­ler et caté­go­ri­ser l’en­semble du vivant. Si la démarche en soi a permis de poser les jalons de la biolo­gie moderne, elle se base sur une hiérar­chi­sa­tion de toutes les compo­santes du vivant avec à sa tête “l’homme”. Cette vision pyra­mi­dale, mise au goût du jour, inter­ro­gée sur les héri­tages préju­di­ciables de cette approche, en légi­ti­mant la supé­rio­rité d’une espèce sur une autre tout en excluant “l’homme” du grand cercle de la nature. De cette époque est né une scis­sion fonda­men­tale entre un modèle tradi­tion­nel où l’Homme s’in­tègre au cœur même de son envi­ron­ne­ment (en symbiose), a un modèle basé sur le contrôle et la domi­na­tion du milieu natu­rel.

Les percep­tions cultu­relles et tradi­tion­nelles de l’eau jouent un rôle essen­tiel dans la préser­va­tion de cette ressource. En inté­grant ces savoirs et pratiques dans les stra­té­gies modernes de gestion de l’eau, il est possible de déve­lop­per des approches durables qui respectent la diver­sité cultu­relle et encou­ragent la protec­tion de l’eau. La recon­nais­sance et la valo­ri­sa­tion des tradi­tions liées à l’eau non seule­ment enri­chissent notre compré­hen­sion de cette ressource, mais renforcent égale­ment notre capa­cité collec­tive à la préser­ver pour les géné­ra­tions futures.

Symbole de ferti­lité et de renou­veau

Quelle que soit l’ori­gine géogra­phique, quelle que soit l’époque, l’eau a toujours été source de nombreuses histoires, de nombreuses mytho­lo­gies sur lesquelles se sont bâties les civi­li­sa­tions. Dans de nombreuses tradi­tions reli­gieuses, l’eau est asso­ciée à la puri­fi­ca­tion, au renou­veau et à la vie éter­nelle. Par exemple, dans le chris­tia­nisme, le baptême est un rituel d’ini­tia­tion par l’eau symbo­li­sant la puri­fi­ca­tion et la renais­sance spiri­tuelle. De même, dans l’hin­douisme, le Gange est consi­déré comme un fleuve sacré, et les fidèles se baignent dans ses eaux pour se puri­fier. Une symbo­lique forte que nous retrou­vons aussi au travers des céré­mo­nies des commu­nau­tés autoch­tones nord-améri­caines sous forme de huttes à suda­tions (sweat­lodge).

Que ce soit dans la pein­ture, la litté­ra­ture ou les mythes du monde entier, l’eau est très souvent asso­ciée à l’éter­nel fémi­nin (Johann Wolf­gang von Goethe), nour­ri­cière, créa­trice, elle incarne la source de la vie. On la retrouve, dans diffé­rentes mytho­lo­gies, sous forme de nymphes ou naïades (Grèce), de Kappa (yokai japo­nais) ou de djinns (mytho­lo­gie arabique préis­la­mique) asso­ciés à des sources, des rivières et des lacs.

L’eau : à la confluence des cultures et des tradi­tions du Québec!

Et sinon, qu’en est-il du Québec? Grâce à la richesse de son histoire et à sa situa­tion géogra­phique unique, le Québec entre­tient un lien privi­lé­gié avec ses ressources en eau. En recon­nais­sant et en valo­ri­sant la diver­sité des usages locaux et des savoirs tradi­tion­nels qui façonnent son iden­tité, il serait possible d’éla­bo­rer des poli­tiques de gestion de l’eau à la fois effi­caces et cultu­rel­le­ment adap­tées. Des poli­tiques basées sur ces prin­cipes permet­traient d’im­pliquer les commu­nau­tés locales dans la prise de déci­sion, renforçant ainsi leur enga­ge­ment et leur respon­sa­bi­lité pour une gestion durable de l’eau.

Dans cette pers­pec­tive, nous avons pris la déci­sion avec tout le réseau des Orga­nismes de bassins versants (OBV) et des TCR (tables de concer­ta­tions régio­nales) de célé­brer la richesse de notre patri­moine lié à l’eau pendant toute la durée du mois de juin par le biais de l’édition 2024 du Mois de l’eau! Rejoi­gnez-nous dès aujour­d’hui pour un voyage unique au fil de l’eau, à la confluence des cultures et des tradi­tions du Québec!