Édition du 4 août 2025
Il était une fois les monstres des marais
Les différents milieux naturels qui nous entourent ont inspiré plus d’une personne et on fait couler beaucoup d’encre. Si comme moi vous appréciez les contes et légendes et créatures enchantées, vous savez sans doute aussi la limite entre la fiction et la réalité, mais parfois, la ligne est mince et les esprits s’échauffent.
Quand on ne comprend pas un phénomène naturel, on essaie de se l’expliquer avec ce qu’on connaît. Dans toutes les civilisations, à travers la planète et les époques, de nombreuses mythologies, contes et légendes ont permis de raconter, grâce à l’imagination humaine bien fertile, les causes des événements géophysiques, comme les tremblements de terre et les éruptions volcaniques, des événements météorologiques extrêmes et même l’origine de la vie humaine.
De nombreuses histoires merveilleuses bien connues dans la culture occidentale concernent la forêt. Qu’on pense à Blanche-Neige, Hansel et Gretel, le Petit Chaperon Rouge, Le Petit Poucet, Raiponce, etc. Plusieurs autres nous parlent des mers et des océans, tels que la Petite Sirène, Sindbab le Marin, Le Petit Poisson d’Or, la légende du Hollandais Volant, ou encore des légendes fondées sur des personnages réels, tels que Barbe Rousse ou Barbe noire.
Les milieux humides et hydriques ne sont pas épargnés par les mythes. Nessi, le monstre du Loch Ness est sans doute le mythe entourant un lac le plus répandu à travers le monde. Au Québec, nous avons aussi nos monstres de lac. On pense notamment à Memphré, au lac Memphrémagog et à Ponik du lac Pohénégamook.
De plus, il existe plusieurs histoires ou films intitulés « Monstres des marais » racontant des événements plus ou moins sordides. Ces lieux chargés d’humidité et habités par une biodiversité impressionnante ont tout pour stimuler l’imaginaire. À des époques antérieures, durant lesquelles les données scientifiques étaient moindres et peu accessibles, les préjugés et les superstitions gagnaient davantage les esprits.
Malgré l’avancée de la science et la diffusion des connaissances, nous ne sommes pas à l’abri des idées préconçues, ni de notre imagination. Le monstre du Loch Ness est un bon exemple. Pendant plusieurs dizaines d’années, une vidéo montrant un bateau avancer sur l’eau était présentée comme une preuve de l’existence de Nessi (il faut dire que la qualité de l’image n’était pas au top), de même que des photographies des ondulations créées par le sillage d’un bateau qui étaient pour plusieurs le dos du monstre qui ondulait à la surface.
J’ai eu la chance d’aller me promener dans un marais cet été, les pieds bien au sec sur un sentier de bois au Parc national de Plaisance. J’ai d’abord trouvé l’endroit majestueux. On pouvait voir plusieurs oiseaux, dont un grand héron, des grenouilles, des tortues, des poissons, etc.
Ce parc est un enchainement d’îles et de presqu’îles dans la rivière des Outaouais et il est traversé par la rivière Petite Nation. On y retrouve de nombreux marais et forêts. Lors d’une animation en début de soirée présentant la faune et la flore du parc, j’ai appris l’existence de créatures étonnantes, certaines quelque peu terrifiantes, dont je n’avais jamais entendu parler et d’autres bien connues, mais aux comportements parfois surprenants. Ce parc est réellement un lieu épatant, abritant, selon les informations trouvées sur le site de la SÉPAQ, une faune très diversifiée :
- 246 espèces d’oiseaux, dont 12 à statut précaire
- 42 espèces de mammifères, dont 5 à statut précaire
- 36 espèces de poissons, dont 3 à statut précaire
- 12 espèces d’amphibiens, dont 1 à statut précaire
- 6 espèces de reptiles, dont 3 à statut précaire
En dépit de mon émerveillement, j’arrivais quand même à comprendre qu’on puisse trouver les marais et marécages un peu repoussants, surtout quand on ne connait pas bien les créatures qui y vivent. Personnellement, après la présentation d’une vidéo de punaise d’eau géante en train de se nourrir de l’intérieur d’une grosse barbotte, j’ai été horrifiée. Quand ce sont les petites bébites qui mangent les grosses, on se sent tout d’un coup vulnérable.
C’est là que je me suis dit qu’on ne pouvait pas en vouloir à nos ancêtres d’avoir drainé ces milieux pour les transformer en terres agricoles ou forestières plus productives, mais aussi pour permettre l’étalement urbain. À notre époque contemporaine, on sait cependant qu’il est essentiel de conserver ces milieux, même si on n’aime pas les créatures visqueuses et effrayantes qui peuvent s’y cacher, parce qu’en plus d’abriter plusieurs centaines d’espèces animales et végétales, les marais filtrent l’eau, aident à la régulation des crues et ainsi à la diminution des risques d’inondation, ils participent à la recharge de la nappe phréatique et permettent de réduire l’érosion des rives. Rien que ça !
Merci à la science et la recherche de nous permettre de savoir tout ça afin qu’on ne s’imagine pas des punaises d’eau géantes à l’attaque, pour une nouvelle série « Monstres des marais ».
Le parc national de Plaisance possède lui aussi son monstre. Une créature, réelle dans ce cas-ci, à l’allure quelque peu répulsive, un genre de taupe à tentacules appelée le condylure à nez étoilé. Selon le National Geographic, son museau est la zone épidermique la plus sensible connue dans le monde des mammifères. Comme quoi savoir bien s’adapter peut rendre une espèce monstrueuse aux yeux des autres.
Condylure à nez étoilé
Crédit photo : US National Parks Service, Wikimedia Commons