Élections municipales 2025

Édition du 4 août 2025

Élections municipales 2025 : Comment mettre la cause de l’eau à l’ordre du jour des candidats et candidates?

Entrevue réalisée par Caroline Gagné

Il est incon­tes­table que les instances muni­ci­pales ont un rôle prépon­dé­rant à jouer dans la préser­va­tion des ressources en eau. Aussi, les élec­tions sont un moment idéal pour sensi­bi­li­ser aux enjeux de l’eau ceux et celles qui veille­ront à l’ad­mi­nis­tra­tion et au déve­lop­pe­ment des muni­ci­pa­li­tés dans les quatre prochaines années. Juste­ment, le 2 novembre prochain, des élec­tions se tien­dront dans envi­ron 1100 muni­ci­pa­li­tés à travers le Québec. 8000 postes d’élues ou d’élus muni­ci­paux seront alors à pour­voir! Afin de savoir comment conscien­ti­ser ceux et celles qui souhaitent nous repré­sen­ter au niveau muni­ci­pal et porter nos reven­di­ca­tions concer­nant l’eau, nous avons rencon­tré Karine Dauphin, direc­trice géné­rale du Regrou­pe­ment des orga­nismes de bassins versants du Québec (ROBVQ).

 

Premiè­re­ment, pour comprendre quels types de reven­di­ca­tions peuvent être faites aux élues et aux élus, expliquez-nous quelles sont les compé­tences muni­ci­pales liées à l’eau et l’en­vi­ron­ne­ment?

K.D.: « Les muni­ci­pa­li­tés sont beau­coup plus influentes qu’on le pense quand il est ques­tion des enjeux de l’eau. Elles ont la main sur plusieurs leviers essen­tiels: l’eau potable, les eaux usées, l’en­tre­tien des cours d’eau muni­ci­paux, mais aussi l’amé­na­ge­ment du terri­toire, la gestion des milieux humides, des rives, et des plaines inon­dables. Ce sont elles qui déter­minent où on construit, comment on déve­loppe les quar­tiers, comment on gère les sols. Et tout cela influence direc­te­ment la santé de nos écosys­tèmes aqua­tiques.

Donc, quand une élue muni­ci­pale ou un élu muni­ci­pal prend une déci­sion sur un nouveau projet immo­bi­lier, sur la voirie, sur le zonage ou sur un plan de gestion des actifs muni­ci­paux, il ou elle fait de la poli­tique liée aux enjeux de l’eau. C’est pour ça que les orga­nismes de bassins versants (OBV), les groupes citoyens, ou même les indi­vi­dus peuvent légi­ti­me­ment inter­pel­ler les candi­dats et les candi­dates sur ces sujets qui les préoc­cupent pendant les campagnes élec­to­rales. Ces personnes seront au cœur des solu­tions. Et parce que leurs déci­sions impac­te­ront le terri­toire pour les années à venir, les candi­dats et candi­dates ont la respon­sa­bi­lité de penser au futur: à la sécu­rité et au bien-être de la popu­la­tion, aux impacts des chan­ge­ments clima­tiques, et à ce qui est durable pour les géné­ra­tions actuelles et futures. »

 

Pourquoi les campagnes élec­to­rales sont-elles un moment idéal pour sensi­bi­li­ser les futurs repré­sen­tants et les futures repré­sen­tantes aux enjeux de l’eau?

K.D.: « Une campagne élec­to­rale est un moment stra­té­gique : les candi­dats et les candi­dates sont plei­ne­ment à l’écoute. Habi­tuel­le­ment, capter leur atten­tion peut s’avé­rer diffi­cile. Mais en période élec­to­rale, elles ou ils cherchent à comprendre les attentes des citoyennes et citoyens, à construire leur programme, à gagner en popu­la­rité et à se démarquer. C’est donc l’oc­ca­sion idéale pour faire entendre nos prio­ri­tés.

Ce qui rend les campagnes élec­to­rales locales parti­cu­liè­re­ment inté­res­santes, c’est leur ancrage dans le quoti­dien. Elles ne relèvent pas unique­ment de la haute poli­tique : elles se jouent sur le terrain, au plus près des préoc­cu­pa­tions citoyennes. C’est une période où l’on peut inter­pel­ler direc­te­ment les candi­dats et les candi­dates, assis­ter aux assem­blées, poser des ques­tions et obte­nir des enga­ge­ments. Cette ouver­ture excep­tion­nelle est une oppor­tu­nité pour faire entrer les enjeux liés à l’eau dans le débat public et dans les conver­sa­tions sur les médias sociaux. »

 

D’après vous, à quels enjeux de l’eau, les candi­dates et candi­dats devraient-ils être sensi­bi­li­sés lors des prochaines élec­tions?

K.D.: « Je dirais qu’il faut rame­ner les enjeux de l’eau à l’échelle muni­ci­pale. On parle souvent d’enjeux globaux, comme l’im­pact des chan­ge­ments clima­tiques, mais il faut les traduire en réali­tés locales: la muni­ci­pa­lité est-elle expo­sée à des risques d’inon­da­tion? Est-ce qu’elle protège adéqua­te­ment ses milieux humides sensibles? Gère-t-elle de façon respon­sable ses sources d’eau potable? Et surtout, est-ce que ses repré­sen­tantes et ses repré­sen­tants parti­cipent acti­ve­ment aux échanges qui ont lieu à l’in­té­rieur de la zone de gestion du bassin versant? 

Un enjeu central, c’est aussi le lien étroit entre l’eau et l’amé­na­ge­ment du terri­toire. Par exemple, une muni­ci­pa­lité qui pour­suit l’ar­ti­fi­cia­li­sa­tion des sols sans réflé­chir à la gestion des eaux pluviales augmente les risques d’inon­da­tion. Cette situa­tion peut être évitée si on s’en donne les moyens. Il est donc essen­tiel d’ou­tiller les futures personnes élues pour qu’elles prennent des déci­sions éclai­rées, basées sur les plans direc­teurs de l’eau (PDE). La période élec­to­rale consti­tue d’ailleurs un moment privi­lé­gié pour sensi­bi­li­ser les nouveaux visages de la poli­tique muni­ci­pale à l’im­por­tance de ces outils. »

 

Concrè­te­ment, comment les orga­ni­sa­tions peuvent-elles sensi­bi­li­ser les candi­dats et candi­dates aux élec­tions muni­ci­pales aux enjeux de l’eau et comment peuvent-elles faire connaître leurs reven­di­ca­tions sur le sujet?

K.D.: « Il existe mille façons de s’y prendre, mais ce qui donne les meilleurs résul­tats, c’est une approche à la fois stra­té­gique et humaine. Par exemple, on peut prépa­rer une fiche synthèse présen­tant trois reven­di­ca­tions très claires et réalistes, bien ancrées dans les réali­tés du terri­toire. Cette fiche peut être remise aux candi­dats et candi­dates accom­pa­gnée d’un mot person­na­lisé, d’un appel ou d’une rencontre. On peut égale­ment orga­ni­ser une table ronde, ou une visite de terrain sur un site problé­ma­tique. Si l’évé­ne­ment est mobi­li­sa­teur, il peut même deve­nir une occa­sion de visi­bi­lité dans la campagne du candi­dat ou de la candi­date. 

Il ne faut pas hési­ter à person­na­li­ser son approche : si un candi­dat ou une candi­date est sensible aux enjeux envi­ron­ne­men­taux ou au déve­lop­pe­ment écono­mique, adap­tez votre message en consé­quence. L’idée est de leur démon­trer que les enjeux de l’eau concernent direc­te­ment leur futur mandat de quatre ans et la qualité de vie de leurs citoyens et citoyennes. Et surtout, de leur faire comprendre qu’ils ont le pouvoir d’agir s’ils gagnent les élec­tions en novembre prochain. »

 

Comment les élec­trices et élec­teurs peuvent-ils parta­ger leurs préoc­cu­pa­tions concer­nant l’eau avec les candi­dats et candi­dates?

K.D.: « Bien souvent, les gestes les plus simples sont aussi les plus effi­caces. Parlez direc­te­ment aux candi­dats et aux candi­dates, inter­pel­lez-les sur les médias sociaux, posez des ques­tions dans les débats publics, allez à leur rencontre dans les marchés ou lors de leur tour­née de porte-à-porte. Ils seront visibles de multiples façons. Vous pouvez aussi écrire une lettre ouverte dans le jour­nal local ou parta­ger une péti­tion pour des enjeux impor­tants et critiques.

Chaque citoyen ou citoyenne a un pouvoir d’in­fluence direct sur les élus et les élues au niveau muni­ci­pal. Et en campagne élec­to­rale, ce pouvoir est décu­plé. Il n’est pas néces­saire d’être une personne mili­tante ou de possé­der une grande exper­tise pour poser une ques­tion sur la gestion de l’eau. L’eau, c’est notre bien commun, un patri­moine collec­tif. Et plus on en parle dans l’es­pace public, plus elle s’im­pose comme un enjeu incon­tour­nable dans les futures déci­sions au sein des conseils muni­ci­paux. »

 

Image d’en-tête: Marish, Shut­ter­stock