Mieux communiquer sur les enjeux de l’eau

Édition du 4 décembre 2023

Mieux communiquer sur les enjeux de l’eau

Écrit par Caroline Gagné, ROBVQ

J’exerce ma profes­sion de conseillère en commu­ni­ca­tion dans le domaine de l’en­vi­ron­ne­ment depuis plus de 10 ans. J’ai choisi de mettre mes connais­sances au service de la cause envi­ron­ne­men­tale parce que ça me semblait logique. C’est la base. Une société ne peut vivre en santé, en sécu­rité et s’épa­nouir sans trai­ter avec respect l’en­vi­ron­ne­ment dans lequel on vit et plus parti­cu­liè­re­ment les milieux aqua­tiques. Aussi, je crois ferme­ment, au risque de me faire trai­ter d’idéa­liste, que l’on peut tous, à notre façon et à la mesure de nos capa­ci­tés, chan­ger le monde dans lequel on vit. Je voulais donc, par mon travail, faire ma part et me sentir utile.

Malgré tout, il m’ar­rive parfois, en consul­tant des articles alar­mants sur le climat, en lisant les commen­taires empreints d’igno­rance et d’égo­cen­trisme sur les médias sociaux ou en voyant un voisin nettoyer son entrée rési­den­tielle à grande eau, de me sentir impuis­sante, de me dire que ça ne sert à rien, d’avoir envie de jeter l’éponge. Malgré mon enga­ge­ment à la cause, je ne suis pas immu­ni­sée contre l’éco-fatigue, c’est-à-dire à un certain désin­té­rêt face aux enjeux envi­ron­ne­men­taux, notam­ment en raison d’une surabon­dance d’in­for­ma­tions alar­mistes qui crée de la peur et un fort senti­ment d’im­puis­sance.

Ce désin­té­rêt qui gagne du terrain dans la popu­la­tion mène néces­sai­re­ment au désen­ga­ge­ment, à l’in­ac­tion. Pour­tant, nous avons besoin de tous les acteurs  et actrices de l’eau et de tous les citoyens et citoyennes pour faire face aux enjeux actuels qui touchent notre précieuse ressource. Je consi­dère donc qu’il est de la respon­sa­bi­lité de tous les respon­sables des commu­ni­ca­tions d’adop­ter les meilleures pratiques pour contrer l’apa­thie. Je me permets donc, dans ce billet, de vous parta­ger quelques direc­tives person­nelles qui guident mon travail de commu­ni­ca­trice au Regrou­pe­ment des orga­nismes de bassins versants du Québec (ROBVQ).

Adap­ter l’in­for­ma­tion

Trans­mettre des données scien­ti­fiques complexes et sans expli­ca­tions, utili­ser de trop nombreux acro­nymes en tenant pour acquis qu’ils sont connus de tous, utili­ser le voca­bu­laire propre à une profes­sion ou à un secteur d’ac­ti­vité sans tenir compte du public visé, voilà quelques erreurs qui peuvent nuire à l’in­té­rêt des desti­na­taires de nos messages. Adap­ter l’in­for­ma­tion en fonc­tion des connais­sances et des champs d’ex­per­tise du groupe de gens à qui l’on souhaite s’adres­ser m’ap­pa­raît essen­tiel.

Éviter de poin­ter du doigt

Rien n’est moins enga­geant que de se faire poin­ter du doigt. Faites-vous dire que c’est votre faute si votre équipe n’a pas gagné le tour­noi et il y a fort à parier que vous ne rejoin­drez pas vos coéqui­piers sur le terrain lors du prochain match amateur. Pour la plupart des gens, la culpa­bi­lité para­lyse, porte à la fuite.

Lorsqu’il est ques­tion de problé­ma­tiques liées à l’eau, c’est la même chose. Personne ne veut être tenu respon­sable de la dégra­da­tion de la qualité de l’eau potable ou de la proli­fé­ra­tion d’es­pèces exotiques enva­his­santes qui rend la pratique de sports nautiques désa­gréable.

Je pense qu’un discours axé sur les solu­tions, la colla­bo­ra­tion et l’at­teinte d’objec­tifs communs sera toujours plus mobi­li­sa­teur.

Valo­ri­ser les bonnes pratiques

Inspi­rons nos publics en leur présen­tant ce qui se fait de mieux en matière de gestion de l’eau! Voir des citoyens ou des orga­ni­sa­tions briller en raison de leurs initia­tives peut en encou­ra­ger d’autres à s’en­ga­ger.

Je dois avouer ici que le ROBVQ m’a toujours faci­lité la tâche de ce côté. Effec­ti­ve­ment, l’or­ga­ni­sa­tion déve­loppe de nombreux outils et événe­ments en ce sens. Je pense notam­ment au Répert’eau, déve­loppé il y a une dizaine d’an­nées pour mettre en valeur les bonnes pratiques muni­ci­pales en matière de gestion de l’eau et au Gala Misez EAU qui visait à offrir une recon­nais­sance à tous les acteurs de l’eau s’étant illus­trés par leur réali­sa­tion parti­cu­lière dans la gestion et la gouver­nance de l’eau par bassin versant. Plus récem­ment, le ROBVQ a mis en ligne le site GDEP, qui présente la gestion durable des eaux pluviales comme une solu­tion d’adap­ta­tion aux chan­ge­ments clima­tiques. Dans celui-ci, une section entière est consa­crée à la présen­ta­tion de projets inspi­rants et de diffé­rentes enver­gures menés par des instances muni­ci­pales.

Rendre concrets les enjeux et les solu­tions

Nous enten­dons souvent dire qu’il faut sauver l’en­vi­ron­ne­ment. On en parle comme si c’était quelque chose de bien loin de nous, une cause un peu banale que nous pouvons suppor­ter en envoyant quelques dollars pour soula­ger notre conscience. Pourquoi ce tel déta­che­ment entre nous et l’en­semble des éléments natu­rels qui nous entourent et nous permettent de vivre?

Comme commu­ni­ca­trice, j’es­saie de contrer ce phéno­mène en montrant l’im­pact direct des enjeux envi­ron­ne­men­taux et plus parti­cu­liè­re­ment des enjeux de l’eau dans la vie des citoyens. Il en est de même pour les orga­ni­sa­tions : je tente de mettre en évidence les réper­cus­sions des enjeux sur leurs inté­rêts. Ainsi, la dispa­ri­tion prochaine d’un autre milieu humide n’est plus simple­ment un fait venant gonfler les statis­tiques. C’est pour un citoyen la perte d’un milieu de vie propice à l’ob­ser­va­tion de la faune et une protec­tion contre l’inon­da­tion de sa rési­dence. Pour une muni­ci­pa­lité, c’est la possi­bi­lité de voir sa facture de trai­te­ment de l’eau potable augmen­ter et l’aug­men­ta­tion de la vulné­ra­bi­lité de sa popu­la­tion face aux chan­ge­ments clima­tiques.

S’il est indis­pen­sable pour moi de rappro­cher les enjeux de l’eau avec la réalité des gens, il en est de même pour les solu­tions. Ainsi, encou­ra­ger un citoyen à végé­ta­li­ser sa cour, c’est aussi l’in­ci­ter à miser sur son bien-être. En effet, les végé­taux ne font pas que filtrer les conta­mi­nants dans l’eau et favo­ri­ser l’in­fil­tra­tion de l’eau dans le sol, ils permettent aussi de lutter contre les îlots de chaleur, ils réduisent la pollu­tion sonore, produisent de l’oxy­gène et embel­lissent nos milieux de vie. Les avan­tages de l’ins­tal­la­tion d’un toit vert pour un commerce dépassent les béné­fices envi­ron­ne­men­taux. Effec­ti­ve­ment, les toits verts améliorent l’ef­fi­ca­cité éner­gé­tique du bâti­ment (baisse des coûts de chauf­fage et de clima­ti­sa­tion), durent jusqu’à deux fois plus long­temps, consti­tuent un bon isolant sonore et offrent un milieu de vie attrayant pour la main-d’œuvre.

Pour­suivre la discus­sion

Je souhaite vive­ment que ce billet vous ait aidé à amor­cer ou à pour­suivre votre réflexion sur la commu­ni­ca­tion sur les enjeux de l’eau. Vous aime­riez me faire connaître votre point de vue? N’hé­si­tez pas à commu­niquer avec moi par cour­riel ou sur Linke­dIn.