AGIR Maskinongé développe des outils d'urbanisme prenant en compte l'espace de liberté des cours d'eau

Édition du 28 septembre 2018

AGIR Maskinongé développe des outils d'urbanisme prenant en compte l'espace de liberté des cours d'eau

Écrit par Delphine Deléglise, AGIR Maskinongé

Érosion sur la rivière MastigoucheLa muni­ci­pa­lité de Mande­ville est traver­sée par la rivière Masti­gouche, une rivière très dyna­mique, qui présente à la fois des problé­ma­tiques d’éro­sion des berges et d’inon­da­tions. C’est pourquoi AGIR Maski­nongé, en colla­bo­ra­tion avec la muni­ci­pa­lité et une équipe de cher­cheurs univer­si­taires et d’ex­perts, a démarré un projet visant à déve­lop­per des outils d’ur­ba­nisme adap­tés au concept d’es­pace de liberté des cours d’eau pour mieux appré­hen­der l’amé­na­ge­ment de cet espace et augmen­ter la rési­lience aux chan­ge­ments clima­tiques.

Dans un contexte de chan­ge­ments clima­tiques, la dyna­mique des cours d’eau est amenée à chan­ger. Les modé­li­sa­tions de zones inon­dables selon des récur­rences 20 ans ou 100 ans, basées sur les statis­tiques passées, perdent de leur perti­nence. Les phéno­mènes d’éro­sion s’ac­cen­tuent avec l’aug­men­ta­tion de la fréquence des événe­ments extrêmes.

Comprendre la dyna­mique natu­relle de la rivière

L’es­pace de liberté comprend à la fois l’es­pace de mobi­lité et l’es­pace d’inon­da­bi­lité.  Il inclut égale­ment les milieux humides rive­rains, qui font partie inté­grante du fonc­tion­ne­ment hydro­lo­gique et écolo­gique de la rivière. On distingue d’une part un espace mini­mal, qui corres­pond à l’es­pace dont la rivière a besoin pour migrer et inon­der sur une période de 50 ans, du court terme pour la rivière, et d’autre part un espace fonc­tion­nel, à plus long terme. La carto­gra­phie de l’es­pace de liberté de la rivière Masti­gouche a été réali­sée  par l’uni­ver­sité Concor­dia en 2017.  Par la suite, afin d’éva­luer le niveau de risque lié à l’oc­cu­pa­tion de l’es­pace de liberté par les bâti­ments et les infra­struc­tures, une analyse de vulné­ra­bi­lité a été réali­sée.

Inven­ter des outils d’ur­ba­nisme

Le concept d’es­pace de liberté n’est actuel­le­ment pas mis en appli­ca­tion au Québec, même si plusieurs initia­tives ont commencé à explo­rer cette voie.  Il faut donc déve­lop­per de nouveaux outils pour la muni­ci­pa­lité. C’est dans cette optique qu’un comité d’ex­perts a été formé, compre­nant des cher­cheurs univer­si­taires, un avocat du droit de l’en­vi­ron­ne­ment, ainsi que des profes­sion­nels et élus de la muni­ci­pa­lité de Mande­ville et de la MRC de D’Au­tray.  Dans le cadre de ce comité, une analyse des outils régle­men­taires dispo­nibles au Québec et qui peuvent permettre la prise en compte de l’es­pace de liberté a été effec­tuée par l’avo­cat du comité.  AGIR Maski­nongé travaille actuel­le­ment à évaluer quelles sont les limites à la mise en place de ces outils, au niveau des ressources en person­nel, des ressources finan­cières ou de l’ac­cep­ta­bi­lité sociale. Une évalua­tion béné­fice-coût est égale­ment prévue au projet.  En effet, l’oc­cu­pa­tion de l’es­pace de liberté coûte cher, en argent, et en impacts sociaux et envi­ron­ne­men­taux : stabi­li­sa­tion des routes au bord de la rivière, répa­ra­tions suite aux inon­da­tions, stabi­li­sa­tion des berges des terrains où l’éro­sion menace les bâti­ments, moyens mis en place pour les mesures d’ur­gence et dispa­ri­tion de milieux natu­rels. Il se peut, suivant les mesures qui seront déci­dées, que la prise en compte de l’es­pace de liberté amène des pertes d’usages. Par contre, elle engen­drera une écono­mie sur les dépenses actuelles et elle permet­tra surtout d’oc­cu­per le terri­toire dura­ble­ment, en tenant compte des aléas natu­rels plutôt qu’en luttant en perma­nence contre eux.