Monsieur le premier ministre Legault,

Maintenant les élections passées, voici arrivée la période des remaniements ministériels. Bien que ces discussions se passent à huis clos, nous souhaitons vous interpeler sur l’importance de mettre en place un poste de ministre délégué.e à l’Eau au sein du ministère de l’Environnement.

Pourquoi un.e ministre délégué.e pour l’Eau au Québec? Parce qu’après 20 ans d’existence de la Politique nationale de l’Eau, après la mise en place de la gestion intégrée de la ressource en Eau, la constitution des 40 organismes de bassins versants (OBV) et la mise œuvre des 40 plans directeurs de l’eau par plus de 4000 acteurs de l’eau, nous constatons que les efforts déployés autour de cette richesse collective sont pluriels. L’Eau concerne tout le monde. Élus municipaux, communautés autochtones, agriculteurs, forestiers, entrepreneurs, organismes à but non lucratif, chercheurs universitaires et citoyens, tous s’investissent pour que cette ressource soit préservée et mise en valeur de manière durable. Nous aurions tout avantage à voir un.e ministre porter cette transversalité à travers chacun de ces acteurs. La gouvernance associée à l’Eau exige une concertation et une mobilisation constante, autant entre les acteurs locaux et régionaux qu’à l’intérieur même de la structure gouvernementale.

Les municipalités : espaces privilégiés pour intégrer les enjeux de l’Eau

Nous avons vu aboutir cette année une nouvelle Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire. Un des grands constats de cette conversation nationale est que les municipalités et les municipalités régionales de comté (MRC) occupent un espace privilégié d’échanges sur les enjeux de l’aménagement du territoire. Lorsqu’il est question d’adaptation aux changements climatiques, ces instances sont les mieux placées, avec le soutien des OBV qui les conseillent, pour appliquer des mesures de prévention et d’atténuation ciblées. Cette qualité et rapidité de réaction des municipalités dans le contexte d’urgence climatique est directement liée à la décentralisation des pouvoirs du ministère de l’Environnement. Cependant, cette décentralisation des moyens aurait tout avantage à se réaliser sous l’égide d’un.e ministre délégué.e qui pourrait tout à la fois exercer un leadership transversal en assurant une concertation interministérielle, ainsi qu’une cohérence opérationnelle avec les acteurs de l’Eau sur le terrain.

Conciliation de la valeur économique et la protection de la ressource en Eau

Les multiples facettes de l’Eau demandent aux collectivités d’être capables de concilier la protection de cette ressource et le développement économique. Le Québec est reconnu à plusieurs égards comme porteur d’innovation et de créativité. Ces valeurs doivent également être mises à profit pour favoriser le développement économique durable.

Dans le cas de l’utilisation des ressources en Eau, l’écofiscalité et l’écoconditionnalité des programmes du gouvernement font sens. Par exemple, si le secteur minier est amené à se développer pour la production de batteries (lithium), nous nous devons, pour les générations futures, de concevoir une approche durable du développement économique qui prend en compte la protection de nos milieux naturels. Une réflexion multipartite doit être alimentée en amont de la mise en œuvre des projets. De la même manière, il est primordial de soutenir l'innovation auprès des producteurs agricoles dans les pratiques agroenvironnementales et ainsi favoriser la santé des sols, tout en assurant une meilleure qualité de l’eau.

Une cohabitation harmonieuse des usages de l’Eau

L’Eau est aussi un fabuleux prétexte pour encourager les collectivités à créer des lieux de partage et d’innovation pour sauvegarder nos milieux naturels : faciliter et définir un meilleur accès aux plans d’Eau en harmonisant la règlementation des paliers municipal, provincial et fédéral; rapprocher les citoyens.ennes de la nature dans le but de définir des pratiques de verdissement du territoire qui s’en inspirent (infrastructures vertes, réhabilitation de milieux naturels, etc.). Le territoire habité est un lieu de rencontre des multiples usagers de l’Eau. Par exemple, la conservation des milieux naturels se retrouve parfois en opposition avec un usage lié aux loisirs et la villégiature. La notion d’usage durable passe donc par notre capacité de concilier plusieurs utilisations pour une même ressource dans un espace donné. Elle fait appel, entre autres, au savoir-faire (innovation) et au savoir-vivre ensemble. La cohabitation des usages est un enjeu transversal qui demande un leadership clair pour faciliter la concertation des différents acteurs.

Pour conclure, nous tenons à rappeler que le gouvernement du Québec, dans la dernière année, a préparé le renouvellement de sa Stratégie québécoise de l’eau. Il a aussi annoncé, avant le lancement de la campagne électorale, la création éventuelle d’un Fonds bleu doté de 650M$. Dans un contexte où plusieurs acteurs sur le terrain, et particulièrement les municipalités, subissent les impacts grandissant des changements climatiques, nous avons le devoir de rehausser la qualité de notre accompagnement pour que le Québec soit synonyme de résilience pour nos communautés. Ces actions ont besoin d’un.e porteur.euse au sein du gouvernement.

De nombreux efforts ont déjà été investis pour mettre en œuvre la gestion intégrée des ressources en eau. Nous espérons que la Loi sur l’eau (C-6.2) pourra être bonifiée par la création d’un poste de ministre délégué.e à l’Eau. Quoiqu’il arrive, le Regroupement des organismes de bassins versants du Québec vous réitère son appui dans les réflexions et la mise en œuvre de la gestion intégrée de l’eau au Québec pour ce prochain cycle de quatre ans que nous espérons sous le signe de l’adaptation et de la résilience.

Je vous prie de bien vouloir recevoir mes plus respectueuses salutations,



Mathieu Madison,
Président du ROBVQ