La gestion intégrée de l’eau par bassin versant – GIEBV
Qu’est-ce que la GIEBV?
La gestion intégrée est une approche qui cherche à inclure les intérêts, les ressources et les contraintes de l’ensemble des acteurs qui interviennent dans un même domaine plutôt que de considérer exclusivement les préoccupations et les responsabilités propres à chacun.
La gestion intégrée de l’eau par bassin versant (GIEBV) est donc un mode de gestion qui tient compte de l’ensemble des activités qui ont un impact sur la ressource eau à l’intérieur du territoire naturel d’écoulement des eaux, le bassin versant. Elle vise à assurer l’approvisionnement et le contrôle de la qualité et de la quantité de l’eau, à préserver la biodiversité et à assurer la prospérité des activités socio-économiques en gérant les risques.
Ce mode de gestion offre les avantages suivants:
- Rassemble les différents usagers de l’eau (citoyens, municipalités, agriculteurs, industries, etc.) qui œuvrent dans un même bassin versant afin qu’ils se concertent sur les usages à privilégier et les actions à entreprendre;
- Permet une utilisation judicieuse des fonds publics et privés en favorisant une coordination plus efficace des actions entreprises par les divers intervenants;
- Permet de concilier des usages parfois conflictuels entre la préservation des écosystèmes et les activités de développement économique;
- Favorise la mise en valeur de l’eau sur les plans environnemental, social et économique;
- Permet d’adopter une vision commune pour les années futures;
- Favorise la participation du public dans le processus de prise de décision;
- Fait appel au leadership des acteurs locaux.
Historique de la GIEBV
Plusieurs constats sur l’état des ressources en eau au Québec et leur mode de gestion ont mené, vers la fin des années 1990, à l’idée qu’une réforme était nécessaire, et ce même si des investissements majeurs avaient été réalisés en assainissement municipal dans les années 1980. Effectivement, la gestion sectorielle de l’eau s’était avérée inefficace pour préserver la qualité et la quantité des ressources en eau, puisque plusieurs cours d’eau connaissaient d’importants problèmes de pollution et de conflits d’usage. Ces problématiques apportaient de nombreuses conséquences dont des risques pour la santé humaine (contamination bactériologique), des coûts élevés de traitement de l’eau, la perte de services rendus par les écosystèmes (filtration de l’eau, éponge lors de crues, etc.), la perte d’usages (baignade, pêche, etc.), des dommages matériels, des problèmes de sécurité (inondations), et plusieurs autres. Changer nos pratiques en gestion de l’eau était un impératif!
Ainsi, plusieurs recommandations ont été émises lors de la Commission d’études des problèmes juridiques de l’eau (1968) et de la Commission sur la gestion de l’eau du Bureau d’Audience publique sur l’Environnement (1998). Pour faire suite à celles-ci, des politiques et des lois ont vu le jour et des actions ont été entreprises afin de réformer les pratiques de gestion et de gouvernance de l’eau au Québec et instaurer la gestion intégrée de l’eau par bassin versant.
Chronologie des évènements
1972 - Dépôt du rapport de la Commission d’études des problèmes juridiques sur l’eau (Commission Legendre)
Principale recommandation : Une réforme du droit de l’eau, entraînant un changement de paradigme important, est proposée. L’eau se trouverait dissociée de la propriété foncière grâce à son nouveau statut de chose publique, ce qui aurait, par le fait même, pour effet d’en confier la gestion et son contrôle à l’État.
1979 - Premiers balbutiements
- Les pionniers de la GIEBV au Québec sont les organismes de rivière, tels que la Corporation de restauration de la Jacques-Cartier (aujourd’hui la Corporation du bassin de la Jacques-Cartier), créée en 1979, et la Corporation de l’aménagement de la rivière Assomption (CARA), qui a vu le jour en 1983. Ces organismes, pour ne nommer que ceux-là, furent constitués afin d’assurer la restauration, la conservation et la mise en valeur d’une rivière sans tenir compte des frontières municipales. Ils sont les ancêtres des organismes de bassins versants actuels.
- En 1992, l’Association québécoise des techniques de l’eau (AQTE) fut mandatée afin de se pencher sur l’implantation de la GIEBV au Québec et désigna le bassin versant de la rivière Chaudière comme territoire propice à un projet-pilote. Le Comité de bassin de la rivière Chaudière (COBARIC) fut créé en 1994 et déposa deux années plus tard un rapport au ministre de l’Environnement avec des recommandations sur le type d’organisation et le fonctionnement à privilégier pour assurer la gestion intégrée de l’eau.
- Suite à l’analyse de ces recommandations par le gouvernement du Québec, c’est en 1997 que le COBARIC devient officiellement le premier OBV de la province.
2000 - Dépôt du rapport de la Commission sur la gestion de l’eau du Bureau d’Audience publique sur l’Environnement (rapport Beauchamps)
Principales recommandations :
- Adopter une politique de l’eau;
- Adopter une loi-cadre sur l’eau et les milieux aquatiques qui précise le statut juridique de l’eau souterraine;
- Instaurer un système de redevances sur les prélèvements d’eau et les rejets.
2002 - Adoption de la Politique nationale de l’eau (PNE)
Trois enjeux :
- Reconnaître l’eau comme patrimoine collectif des Québécois;
- Assurer la protection de la santé publique et des écosystèmes aquatiques;
- Gérer l’eau de façon intégrée dans une perspective de développement durable.
Orientation #1: Réformer la gouvernance de l’eau
Dans cette optique, le gouvernement s’engage à mettre en place la gestion intégrée de l’eau au Québec en soutenant financièrement et techniquement la création d’organismes qui oeuvrent à l’échelle du bassin versant : les organismes de bassins versants (OBV) du Québec.
En 2002, il y avait 33 organismes de bassins versants sous la forme juridique d’organismes à but non lucratif (OBNL), couvrant 25% du territoire québécois. Il s’agissait alors des bassins versants des 33 rivières jugées prioritaires.
2007 - Plan d'intervention sur les algues bleu vert 2007-2017
- Le 25 septembre 2007, le gouvernement du Québec a présenté le Plan d’intervention sur les algues bleu-vert 2007-2017, qui propose 35 mesures pour contrer la prolifération des cyanobactéries.
- Les trois thématiques dominantes sont l’amélioration des connaissances pour mieux agir, la prévention contre les apports de phosphore aux plans d’eau et la sensibilisation, la prévention et la protection de la santé publique.
- Dans le cadre de ce plan, le ministère de l’Environnement a procédé à un redécoupage du territoire québécois en 40 organismes de bassins versants (OBV). Ce redécoupage a permis le déploiement de la GIEBV sur l’ensemble du Québec méridional, en plus de permettre au ROBVQ et aux OBV de tenir un rôle majeur dans la lutte aux algues bleu-vert.
2009 - Adoption de la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à en renforcer la protection
Dans son chapitre sur la gouvernance, la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant leur protection, vient préciser la mission des organismes de bassins versants (article 14), soit celle :
« d’élaborer et de mettre à jour un plan directeur de l’eau, d’en promouvoir et suivre la mise en œuvre en s’assurant d’une représentation équilibrée des utilisateurs et des divers milieux intéressés, dont le milieu gouvernemental, autochtone, municipal, économique, environnemental, agricole et communautaire, dans la composition de cet organisme ».
Suite à l’adoption de la Loi sur l’eau de 2009, l’ensemble du Québec méridional fut divisé en 40 zones de gestion intégrée de l’eau, pour autant d’organismes de bassins versants reconnus (OBV). Ces zones de gestion intégrée pouvaient alors inclure plus d’un bassin versant.
2017 - Adoption de la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et favorisant une meilleure gouvernance de l'eau et des milieux associés
La Loi sur l’eau est renommée en 2017 Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et favorisant une meilleure gouvernance de l’eau et des milieux associés. Cette dernière porte sur la reconnaissance des fonctions écologiques exercées par les milieux humides et hydriques, précise le rôle des organismes de bassins versants et des tables de concertation régionales et confie aux municipalités régionales de comté et aux municipalités locales la responsabilité d’élaborer et de mettre en œuvre un plan régional des milieux humides et hydriques à l’échelle de leurs territoires respectifs.
2018 - Augmentation notable du financement des OBV du Québec
Dans le budget provincial de 2018-2019, les OBV du Québec se voient octroyer 10 millions de dollars par année pour un total de 30 millions sur trois ans, soit près du double de ce qu’ils recevaient auparavant. Il s’agit de la première augmentation du soutien financier depuis le déploiement de la gestion intégrée de l’eau par bassin versant sur l’ensemble du Québec méridional en 2009.
2022 - Modification de l'article 14 de la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et favorisant une meilleure gouvernance de l'eau et des milieux associés
La Loi visant principalement à renforcer l’application des lois en matière d’environnement et de sécurité des barrages, à assurer une gestion responsable des pesticides et à mettre en œuvre certaines mesures du plan pour une économie verte 2030 concernant les véhicules zéro émission (projet de loi no 102) a modifié l’article 14 de la loi sur l’eau, qui vient préciser le mandat des organismes de bassins versants.
Les défis actuels
Malgré certaines avancées, des problématiques concernant les ressources en eau demeurent préoccupantes, certaines pouvant être exacerbées par les changements climatiques. En 2019, les 40 OBV du Québec, en concertation avec les acteurs de l’eau de leur territoire, ont identifié́, à la demande du ministère de l’Environnement, les problématiques qu’ils jugeaient prioritaires. Voici les 10 principales catégories de problématiques identifiées par ordre de récurrence:
- La mauvaise qualité de l’eau de surface;
- La destruction et/ou la dégradation de la qualité des milieux humides;
- L’érosion des berges et l’érosion côtière;
- La présence d’une espèce exotique envahissante;
- La dégradation ou la perte d’habitats fauniques;
- Les inondations en zones habitées;
- L’eutrophisation des plans d’eau et la présence de cyanobactéries;
- La mauvaise qualité de l’eau souterraine;
- Les problèmes d’envasement, de sédimentation et/ou de comblement
- La limitation de l’accès public aux plans d’eau et/ou aux cours d’eau