Boîte à outils sur la participation citoyenne
2.2 Les déterminants de la réussite d’une démarche d’acceptabilité sociale
Afin de parvenir à augmenter la participation des acteurs et actrices de l’eau, plusieurs moyens sont existants. Les six déterminants suivants sont essentiels à considérer afin d’assurer la réussite d’un projet de gouvernance participative comme le PDE.
- Connaissance des enjeux et des acteurs et actrices du milieu
- Implication d’un maximum d’acteurs et d’actrices en amont du processus décisionnel
- Espace de communication propice aux échanges constructifs et arrimée aux attentes des parties prenantes
- Présence d’un sentiment d’appartenance au projet
- Prise en compte des perceptions et des représentations sociales (le bruit perceptuel)
- Participation sollicitée en continu (durée limitée de l’implication)
2.2.1 Connaissance des enjeux et des acteurs et actrices du milieu
Tout processus visant l’acceptabilité d’un projet exige beaucoup de collecte de données et de recherche d’informations afin d’acquérir une bonne connaissance du milieu, et ce, avant même d’entamer toute autre démarche. En effet, un processus décisionnel dans un contexte de gouvernance participative requiert une grande compréhension des enjeux locaux et des acteurs et actrices impliquées si l’on souhaite établir un lien de confiance avec les intervenants et les intervenantes.
L’OCPM (Office de consultation publique de Montréal) propose trois moyens (2005-A : 14) afin d’arriver à un bon niveau de connaissances du contexte socio-économique :
1. Prendre connaissance des données socio-économiques du milieu où l’événement se tiendra (si elles sont disponibles):
Les municipalités proposent souvent des profils socio-économiques, comprenant notamment la composition de la population et ses habitudes. Cela peut parfois vous aider à nuancer les perceptions que vous avez à propos du milieu et même vous amener à découvrir des réalités inattendues. De très nombreuses informations gratuites (ex. âge, migration, sexe, niveau de scolarité, revenus, communautés culturelles, etc.) sont disponibles sur le site Internet de Statistiques Canada et sur celui de l’Institut de la statistique du Québec, ou encore auprès des municipalités régionales de comté (MRC) et des centres locaux de développement (CLD). Il est aussi pertinent de faire la même démarche avec les acteurs et les actrices de l’eau du milieu tels que les organismes, les entreprises, le milieu municipal, etc. L’OBV Témiscamingue a d’ailleurs utilisé un sondage préliminaire afin de mieux connaître le milieu avant d’entamer le processus du PDE et de consultation publique.
Zoom sur les OBV :
OBV TÉMISCAMINGUE
Élaboration d’un sondage exploratoire visant à mieux connaître le milieu
L’OBV a élaboré un sondage exploratoire dès le début de l’existence de l’OBV afin de mieux connaître son milieu et ses préoccupations. Le sondage était simple, ouvert, rapide à remplir et ne comportait que quatre questions s’adressant aux acteurs de l’eau du milieu (organismes, entreprises, municipal, etc.).
Ces questions portaient sur les préoccupations des acteurs quant à la GIEBV, les actions liées à l’eau mises de l’avant (faites ou prévues) par l’acteur, les priorités d’actions à propos de l’eau et de la GIEBV et la façon dont ces acteurs de l’eau préféreraient être consultés.
Même si ce sondage était préliminaire, il a le mérite de pouvoir avoir dès le départ une idée du milieu dans lequel l’OBV évolue.
Cliquez ici pour voir le questionnaire type développé par l’OBV.
2. Examiner les articles de presse parus dans les journaux locaux
Ces articles peuvent vous aider à acquérir une vue d’ensemble, à prendre connaissance d’enjeux locaux d’actualités et à avoir une idée des valeurs de la population. Ils peuvent aussi permettre de connaître les principaux organismes ou interlocuteurs ainsi que certaines problématiques existantes. Parfois, il est aussi possible de savoir si, par le passé, le projet ou les actions du PDE que vous présentez ont déjà été proposés et, si oui, vous pouvez peut-être tenter de déterminer les points forts et faibles afin de ne pas répéter les mêmes erreurs.
Dans le même ordre d’idée, le ROBVQ propose aussi de faire une revue historique du bassin versant. Connaître l’évolution du cours d’eau, de son aménagement, des liens de la population avec ce dernier et de ses usages représente des données historiques intéressantes qui peuvent permettre une meilleure compréhension de la population et de ses actions, réactions et comportements dans le présent.
Zoom sur les OBV :
ABV des 7 : Exemple de démarche complète de participation citoyenne
Dans le « projet IDeaux », en amont des étapes détaillées plus bas, l’exercice a été de « reconstituer à partir de cartes, de plans de villes, de cartes postales et de missions aériennes, une analyse diachronique concernant le ruisseau de la Brasserie, afin d’identifier les interactions entre le ruisseau et l’évolution des stratégies urbaines, principalement de l’entre-deux-guerres à nos jours ». (Brun, A. et Samson, P. (2010), p.8)
Il est aussi possible d’utiliser les archives des bibliothèques, des villes ou du gouvernement, ou encore de faire des entrevues avec des gens présents dans le milieu depuis longtemps. Voici la démarche complète :
Ce « projet IDeaux », coordonné par l’ABV des 7, est un bel exemple de démarche de participation citoyenne qui débute à la suite d’un événement majeur, une inondation, qui a été un déclencheur de mobilisation chez la population et la municipalité pour trouver une solution à cet enjeu
1e étape : La Ville de Gatineau a procédé à la pré-sélection de trois cours d’eau potentiels et un consultant en environnement a été engagé afin de choisir le cours d’eau qui sera l’objet d’un projet environnemental. C’est le ruisseau de la Brasserie qui a été choisi. Il a une grande importance pour la ville et ses habitants et dans les quinze dernières années, plusieurs tentatives de projets pour améliorer son état ont avorté.
2e étape : Plutôt que de soumettre un nouveau projet, le consultant en environnement et son équipe examinent les précédents projets n’ayant jamais vu le jour et rencontrent ceux et celles qui les avaient soumis ainsi que celles et ceux ayant un quelconque lien avec ces projets ou avec le cours d’eau (on parle ici d’économie d’expérience). Tous les types d’acteurs et d’actrices ont été rencontrés afin d’avoir la perception, l’opinion, les préoccupations et la vision de toutes et tous. Les entretiens se sont faits sous forme d’entrevue en personne et ont été retranscrits de manière à pouvoir les étudier, les analyser et les comparer pour faire ressortir un consensus regroupant trois axes : le patrimoine culturel, l’histoire et l’écologie.
3e étape : Une maquette est créée afin de regrouper les trois axes (un outil visuel facilement compréhensible), tout comme la cartographie des demandes sociales ou la cartographie des problématiques et potentiels. On réalise alors que le ruisseau représente le lien, l’élément structurant permettant une identité sociale nécessaire à l’émergence de la participation citoyenne.
4e étape : Les acteurs et actrices rencontrées précédemment sont rappelé[e]s et invité[e]s à participer à des ateliers d’échanges à propos de l’avenir du ruisseau. Le but est de les motiver, avoir leurs idées et leur montrer ce qu’ils et elles peuvent en retirer. Ces ateliers sont surnommés « Parlement du ruisseau ». On constate l’émergence de nouvelles idées et on développe la structure d’un nouveau projet englobant en concertation, avec leur participation active, plutôt que de leur proposer un projet déjà complètement réfléchi et planifié.
Évidemment, les perceptions et les idées des participants sont vérifiées scientifiquement par un «diagnostic scientifique». Le « Parlement du ruisseau » comprend trois sous-comités : un exécutif chargé entre autres de la faisabilité et du budget du projet, le «Parlement» comprenant l’ensemble des acteurs et des actrices et où sont fait les échanges, ainsi qu’un comité scientifique et de recherche qui s’assure de la crédibilité du projet et des vérifications scientifiques.
6e étape : Le « Parlement du ruisseau » est officialisé et devient une entité à part entière, avec une mission, des rôles et des objectifs, tous établis par les acteurs de l’eau eux-même. À cette étape, l’OBV agit à titre de coordonateur du projet et des rencontres.
7e étape :Le résultat est un projet d’aménagement urbain satisfaisant pour chacun des acteurs de l’eau, dont l’acceptation et la mise en place s’en trouveront grandement facilités. Il suffit de le soumettre à un porteur de projet principal, dans ce cas ci la Ville de Gatineau, et de développer une procédure de mise en place par étapes, en concertation encore une fois.
Y a-t-il des échecs ou des points faibles?
Le plus grand point faible est, selon l’OBV, le manque de visibilité au niveau médiatique. Les médias avaient été invités à diffuser la démarche, mais ça n’a pas fonctionné. Il est possible que cela soit dû à un simple désintérêt du sujet ou, au fait que par le passé plusieurs projets développés semblaient remplis de promesses alors que finalement rien n’avait été réellement réalisé. Le besoin d’une ressource en communication a été exprimé lors des ateliers du Parlement du ruisseau et ce besoin devrait être comblé sous peu (ce qui nous ramène au concept d’interdisciplinarité des équipes de travail).
Quel est le plus grand succès?
Sans aucun doute la volonté politique. La Ville de Gatineau a été très enthousiaste dès le départ et il est évident que cela a facilité la démarche, car sans appui politique, peu de projets de ce genre peuvent être menés à terme. C’est une fenêtre d’opportunité dont l’OBV a su tirer profit d’un moment fort de participation.
Ce genre de démarche est-elle exportable dans d’autres milieux ou contextes?
Bien que l’échelle idéale soit un petit territoire comprenant un type de milieu, comme dans ce cas–ci un milieu urbain dans un sous-bassin versant, il est possible de penser que cette démarche est exportable sur un plus grand territoire et dans un autre type de milieu, par exemple agricole ou forestier. Il est même envisageable que ce soit fonctionnel à l’échelle du territoire complet d’un OBV. Il est toutefois plus facile de créer une identité et un sentiment d’appartenance sur un petit territoire.
3. Consulter le répertoire des organismes oeuvrant dans le milieu (s’il est disponible):
Les municipalités, les MRC et les CLD peuvent parfois offrir une forme de répertoire des organismes, associations et institutions qui sont présents dans le milieu. Vous pouvez également vous référer à la liste de démarrage de l’OBV, lorsque vous avez communiqué avec l’ensemble des organismes pertinents de votre zone. Ces derniers représentent des acteurs et des actrices pouvant possiblement participer à la démarche d’élaboration et de mise en oeuvre du PDE, c’est donc un atout d’avoir une idée des buts qu’ils et elles poursuivre.
Conseil de l’OCPM (2005-A : 14) : il peut être utile de dresser une première liste regroupant les noms des organismes susceptibles de porter un intérêt immédiat à votre processus (découlant de leur secteur d’activité par exemple), ainsi qu’une seconde liste colligeant des organismes pouvant constituer en de bons relayeurs d’information suite à aux activités d’implication des citoyens et acteurs de l’eau. L’OBV Témiscamingue a utilisé ce genre de liste.
2.2.2 Implication d’un maximum d’acteurs et d’actrices en amont du processus décisionnel
Une bonne façon d’obtenir la collaboration des acteurs et actrices de l’eau est de les impliquer le plus tôt possible dans le processus. En ce sens, il est important de cibler les intérêts de chacun afin d’éviter de tomber dans une guerre de positions, mais plutôt de travailler dans un climat de respect et de compréhension. Dans un contexte de gouvernance participative misant sur la prise de décision par les citoyens et citoyennes, il est primordial de les inclure au tout début afin qu’il sente exercer une réelle influence sur les décisions.
L’implication en amont favorise aussi la coopération et permet d’éviter les mauvaises surprises. Dans le même sens, l’implication d’un maximum de personnes de différents secteurs d’activité permet la prise en compte de la diversité des points de vue qui est indispensable à la mise en place d’un climat de collaboration. D’ailleurs, l’implication des différents usagers et usagères de l’eau procure une connaissance plus précise des caractéristiques des systèmes naturels et assure un lien plus direct entre eux et elles et les conséquences de l’exploitation de la ressource. Voici quelques formules possibles :
1. La cartographie des potentiels et problématiques
Lors d’une consultation préliminaire des citoyennes et des citoyens, la cartographie des potentiels et problématiques pourrait être utilisée afin de définir les perceptions de la population. Cette stratégie toute simple vise à identifier sur une carte du bassin versant les principaux potentiels et les principales problématiques soulevées par la population. Cette démarche permet d’abord d’illustrer les perceptions de la population. D’ailleurs, une telle cartographie, réalisée de façon interactive, peut constituer une bonne stratégie pour faire interagir les personnes présentes aux diverses rencontres. Cette cartographie peut ensuite être croisée avec les données techniques du portrait. Cette démarche permettrait alors de vérifier si les perceptions populaires correspondent aux réels problèmes du bassin versant. Cette analyse de compatibilité des données techniques et de perception pourra ensuite aider l’OBV lors de l’élaboration de son plan d’action. Elle peut être utilisée également avec les représentants et représentantes des tables de concertation.
2. La cartographie des demandes sociales
Cette stratégie consiste simplement en l’identification des priorités de la population sur une carte du bassin versant. Il s’agit d’un outil visuel, facilitant l’interaction avec le public lors d’une période d’échanges collectifs. Il en résultera alors une cartographie de perceptives d’actions qui devraient être réalisées en priorité dans le plan d’action relié aux objectifs du plan directeur de l’eau.
Zoom sur les OBV :
OBV Matapédia-Restigouche
Cartographie active des demandes sociales
Dans le cadre de la réalisation de son plan directeur de l’eau, l’organisme de bassin versant Matapédia-Restigouche a opté pour une approche de recherche participative afin de colliger les données pour son portrait, son diagnostic, de même que pour l’élaboration de son plan d’action. En plus des publicités diffusées dans divers médias et des affichages placés dans les lieux publics, une lettre d’invitation a été envoyée à tous les secteurs d’activités afin de prendre part au processus selon leur zone géographique à l’intérieur du bassin versant. Les participants et les participantes ont mis en commun leur connaissance locale en utilisant la cartographie et en répondant simultanément à un questionnaire. Le tout a été fait en respectant un code d’éthique de participation, adopté par les acteurs et actrices. Les participants et les participantes ont alors décrit plusieurs caractéristiques et ciblé des problématiques de leur secteur géographique, tels que les eaux usées, l’érosion des sols, la qualité de l’eau potable, les activités du castor.
À partir de ces données, l’élaboration du plan d’action a débuté collectivement avec la table de concertation. Les préoccupations sont devenues des orientations consolidées. Parallèlement, des rapports techniques furent rédigés pour certains sous-bassins afin de confirmer la recherche participative. Une révision collective et individuelle fut ensuite réalisée par les membres de la table de concertation afin de valider le contenu du portrait et du diagnostic. La responsabilisation de la mise en oeuvre a germé grâce à l’implication directe des acteurs ainsi que de diverses tables sectorielles dans l’élaboration des objectifs et des perspectives d’actions du plan directeur de l’eau.
3. La concertation en continu des comités locaux
Les OBV peuvent se doter d’une structure permanente de concertation en faisant appel à des comités locaux de sous-bassins versants. Ces derniers peuvent alimenter l’OBV à chaque étape de la réalisation du PDE en mettant à profit les connaissances et l’expertise locale. Un représentant ou une représentante de la table de concertation de l’OBV doit être présente leur d’une rencontre d’un comité local.
Zoom sur les OBV :
COGESAF
Comités locaux
Étant donné la grandeur de plusieurs des territoires de bassins versants ou des zones de gestion par bassin versant, la création d’un comité local de bassin versant permet de regrouper l’ensemble des acteurs à une échelle qui favorise le développement d’un sentiment d’appartenance. Les comités locaux de bassin versant (CLBV) sont des comités de concertation mis en place pour la réalisation des actions proposées par l’OBV dans le cadre de son plan directeur de l’eau. Les comités locaux ont plusieurs rôles dont :
- Échanger sur les projets d’actions proposés par le COGESAF en fonction des problèmes présents sur le territoire du bassin versant local.
- Valider les actions terrain à réaliser et procéder au suivi de leur mise en oeuvre. Les actions concrètes doivent être réalisables en tenant compte des conditions socio-économiques.
- Réalisation d’actions en lien avec les objectifs du plan directeur de l’eau du COGESAF.
Facteur limitant l’implication : l’ironie ordinaire
Bien connue par rapport au monde politique, l’ironie ordinaire fait référence à une forme de lucidité ou de désenchantement populaire vis-à-vis du monde public. Ce type d’attitude entraîne un immobilisme qui s’avère être très néfaste dans un contexte de participation citoyenne.
L’ironie ordinaire est certainement un problème de confiance de la population envers les mécanismes de participation. Plusieurs raisons peuvent être à l’origine d’une telle attitude dont des antécédents partagés qui ont « fait la preuve » que les décisions revenaient finalement aux plus influents, que les élus n’avaient d’oreille que pour certains interlocuteurs ou interlocutrices privilégiées, que les décisions se prennent en arrière-scène, etc.
Il en va de même pour les sciences et les scientifiques qui se retrouvent souvent discrédités dans l’opinion populaire pour plusieurs raisons. Notamment les liens entretenus entre certains experts et les industriels, ou bien en raison de nombreuses études finalement infirmées ou encore de l’incertitude face à certains phénomènes (ex : les changements climatiques), etc. De plus, certains OBV pourraient se voir perçus comme les détenteurs du savoir scientifique avec qui il est impossible de faire valoir ses préoccupations, ou encore qui a déjà un parti pris pour ses propres hypothèses ou résultats d’études.
On peut alors s’interroger sur l’utilité du processus de participation mis en place par un OBV s’il ne parvient pas à susciter la confiance et l’attrait du public. Qui plus est, l’implication des acteurs en amont à un projet sera grandement compromise en raison de pareille attitude. Les démarches participatives actuelles tendent effectivement à insister sur l’implication en amont des citoyens afin d’éradiquer ce genre de problème. Cependant, « l’impasse de l’amont », illustration fournie par S.Rui (1999), explique bien que le public n’est intéressé à s’impliquer que vis-à-vis des projets bien concrets.
Avant de tenter d’appliquer tout type de solution envers ce type de problème, mieux vaut en connaître l’origine. Dans le cas des OBV du Québec, beaucoup d’incompréhension face au véritable rôle de ces organismes peut expliquer le scepticisme à leur égard. Faire connaître ou rappeler le mandat des OBV aux citoyens et citoyennes et aux partenaires est forcément de mise en ce sens.
Exemples de réflexions illustrant l’attitude d’ironie ordinaire
L’ironie ordinaire |
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«Tous les biologistes du Québec pourront bien nous inciter à végétaliser nos berges, nous ne voyons vraiment pas ce que ça changera pour notre lac. Qu’en savent-ils vraiment?» |
«Ils ont beau nous demander d’arrimer nos PDE aux SAD, de toute façon ce sera les MRC et le gouvernement qui décideront d’en appliquer ou non le contenu.» |
«Pourquoi assister à la table de concertation de l’OBV alors qu’on sait très bien qu’ils veulent nous empêcher de faire notre barrage pour des histoires de poissons. Ce sont tous des écologistes qui travaillent là.» |
2.2.3 Espace de communication propice aux échanges constructifs et arrimée aux attentes des parties prenantes
Un climat de confiance et de respect mutuel est essentiel à la réussite d’une démarche d’acceptabilité sociale. Le mode de communication employé aura un impact différent sur le type d’échanges qui seront entretenus selon qu’il permettra ou non la compréhension des intérêts de chacun, de mettre en contexte les perceptions et de réduire le bruit perceptuel.
Il est aussi important de choisir un processus qui s’arrime bien aux attentes des parties prenantes. Selon les intervenantes et les intervenants concernés par le projet, le mode de communication et le moment choisi les plus appropriés pour délibérer ne seront pas nécessairement les mêmes. Une consultation préalable sur les modes de collaboration préférés est donc de mise.
Peu importe le moyen choisi, il peut être très intéressant d’utiliser les questions suivantes afin de se doter d’une structure d’analyse permettant de bien identifier les intérêts de chacune des parties prenantes, et ce, avant, pendant et après les délibérations :
De plus, il est toujours pertinent de ramener les bénéfices de l’avant afin de rallier les participants et les participantes autour de ces derniers et d’éviter les dérapages inutiles.
Exercices de Pierre Deschênes (UQAC) pouvant être réalisés lors de rencontres :
Zoom sur les OBV :
COPERNIC
Optimisation des échanges
Dans le but de favoriser les échanges entre les intervenants et intervenantes de différents secteurs d’activités, l’OBV Copernic a opté pour une journée de tables rondes afin de réaliser sa consultation publique sur les enjeux et problématiques pour élaborer le plan d’action de leur PDE. Ainsi, des représentants et des représentantes des secteurs agricole, forestier, municipal, etc. devaient se pencher sur chacun des enjeux pour une période d’une heure trente. Un membre de l’équipe de Copernic agissait à titre d’animateur à chacune des tables afin de diriger la conversation et ainsi faciliter les échanges constructifs et l’établissement d’un climat de respect.
2.2.4 Présence d’un sentiment d’appartenance au projet
Il est préférable que les participants et les participantes à une démarche s’identifient à cette dernière afin d’en assurer la réussite. La fierté issue de l’implication des parties prenantes à un projet assurera leur adhésion aux décisions et leur participation en continue. Il importe pour ce faire de valoriser l’apport de toutes les personnes participantes, de leur attribuer certaines responsabilités et de les tenir informées des détails.
Des projets de grande envergure amènent généralement une forte adhésion de la population. En effet, la présence d’un projet concret peut s’avérer être une bonne façon de rassembler les citoyens et citoyennes autour d’un dénominateur commun, comme dans l’exemple suivant :
:
Zoom sur les OBV :
OBAKIR
Préservation de l’habitat de l’éperlan
À l’origine même de la création du comité de bassin de la rivière Fouquette (aujourd’hui OBAKIR), l’éperlan arc-en-ciel s’est retrouvé à la source de toutes les actions entreprises pour améliorer la qualité de l’eau de ce bassin versant. En souhaitant préserver l’une des dernières frayères d’éperlans de la population du sud de l’estuaire, les citoyens et les citoyennes ont mis sur pied le comité et ont fait de l’éperlan un véritable emblème régional. Toute la population locale pouvait observer les pêches d’éperlans sur glace dans la région de Rivière-du-Loup et ressentait la responsabilité de protéger la frayère de la rivière Fouquette.
L’éperlan s’est ainsi présenté comme un dénominateur commun ralliant les acteurs du milieu et favorisant leur action. La cause de l’éperlan aura permis d’établir une vision commune à laquelle la communauté s’est identifiée.
2.2.5 Prise en compte des perceptions et des représentations sociales
Les individus étant influencés par un nombre imposant de facteurs (âge, sexe, culture, éducation, circonstances d’un projet, expériences personnelles, etc.), il serait inopportun de ne pas intégrer les perceptions aux analyses sociales menant à un projet de nature collective. En effet, l’interprétation des parties prenantes face à un projet peut varier grandement en raison de ces facteurs.
L’analyse et le suivi des perceptions
La collecte et l’analyse des perceptions s’avère alors être l’outil de base afin d’éviter la mauvaise compréhension des enjeux entre les parties prenantes. L’analyse des perceptions mesure l’écart qui existe entre la réalité technique et la réalité telle qu’elle est perçue. En présence d’un grand écart entre la perception des intervenants et la réalité technique, cela signifie qu’il subsiste des zones d’ombres, des inconnues et que des ajustements sont nécessaires afin d’obtenir un accord des participants (ex: diffuser de l’information, recherche de nouvelles données). Un chapitre porte d’ailleurs sur l’analyse des acteurs dans le dernier Guide pour l’élaboration d’un plan directeur de l’eau du MDDEP et propose une méthodologie à cet effet (Gangbazo, 2011, Chapitre 9).
Autre point important, l’implication en amont des acteurs permet d’éviter les écarts de perception. En effet, plus le lien est étroit entre le percevant et le projet, moins il y a de chances que l’information soit déformée pendant son traitement par d’autres facteurs que ceux liés au percevant lui-même.
De plus, des représentations sociales, c’est-à-dire des idées issues de la collectivités et prises pour acquises, peuvent être à la source de l’acceptabilité ou non d’un projet. Par exemple, on pourrait rejeté d’emblée un projet en raison d’une croyance populaire non fondée scientifiquement mais tenue pour vraie au sein de la communauté. L’identification au préalable de ces représentations permettra d’éviter les mauvaises surprises et éventuellement, de les rectifier. Il s’avérera par conséquent pertinent pour un OBV de s’attarder à ces représentations plutôt qu’aux perceptions individuelles qui n’auront pas la même incidence sur l’opinion public. L’analyse des perceptions devrait non seulement permettre de mesurer l’écart perceptuel, mais aussi d’identifier les représentations sociales.
Le bruit perceptuel
Dans le contexte de l’élaboration d’un PDE, la confrontation de valeurs et d’intérêts différents peut mener à de fortes divergences d’opinions. Certaines de celles-ci, sans être de la tendance centrale statistique, peuvent de par leur intensité, particularité ou profil associé, prendre une place considérable dans les discussions. C’est ce que l’on nomme le bruit perceptuel. Ce dernier peut avoir un impact non négligeable par rapport à un projet donné allant jusqu’à en provoquer l’échec. Il s’agit donc d’un autre facteur à évaluer afin, si nécessaire, d’apporter les correctifs qui permettront d’éviter l’échec du projet.
2.2.6 Participation sollicitée en continu
Si l’implication des acteurs est importante en début de processus, elle l’est tout autant à chacune des étapes du projet. Une véritable démarche de participation citoyenne requiert en effet l’implication en continu des acteurs, de façon à les tenir informés de toute nouvelle information, de prendre note de nouvelles données, de les consulter et de faire le suivi des perceptions. L’OBV devra donc mettre en place des activités ou des mécanismes (canaux) ayant pour but de faciliter une implication soutenue des intervenants, mais aussi lui permettant de tirer profit de période de forte participation comme l’explique la section suivante sur la durée limitée de l’implication.
Zoom sur les OBV :
CAPSA
Comités consultatifs par Internet
Les comités permettent principalement une amélioration du transfert d’information ainsi que la possibilité d’obtenir aisément un retour (feed-back) suite à un évènement ou une action. La mise en place de comités consultatifs sur les trois « bassins versants » de notre territoire permet la consultation « en continue » d’un échantillon de la population, une dynamisation des échanges et une meilleure relation entre l’OBV et les citoyens. Ces comités fonctionnent « virtuellement » et ne possèdent pas d’obligation de rencontre. Ils permettent principalement une amélioration du transfert d’information ainsi que la possibilité d’obtenir aisément un retour (feed-back) suite à un évènement ou une action.
La durée limitée de l’implication
L’implication des citoyens à un projet n’est pas stable dans le temps, c’est-à-dire qu’elle augmente et diminue constamment en fonction de plusieurs facteurs qui font varier la stimulation des participants. Il y a donc des « creux de vagues » pendant lesquelles la participation sera plutôt faible et des « sommets de vague » où elle sera plutôt élevée. Il sera alors pertinent d’apprendre à tirer profit des vagues de haute participation. Par exemple, lors du lancement d’un nouveau projet ou en période de crise comme lors des éclosions de cyanobactéries de 2007, plusieurs citoyens pourront s’intéresser au sujet, puis avec le temps, leur nombre diminuera et pourra même atteindre un niveau parfois trop bas pour assurer la poursuite des activités.
Puisque nous souhaitons l’implication des acteurs à chacune des étapes de l’élaboration du PDE, il semble que la mise en place d’une stratégie de « stimulation des citoyens » à l’intérieur d’une plus vaste stratégie de participation citoyenne soit de mise, ou du moins, une stratégie visant à tirer profit des périodes de forte participation. Ainsi, comme l’illustre le graphique suivant, diverses activités devront être planifiées dans le temps afin de susciter l’intérêt des parties prenantes. Le graphique démontre aussi le nombre d’acteurs impliqués grandissant d’une étape à l’autre (ligne de couleurs). En effet, à chacune des activités, on devrait parvenir à atteindre de nouveaux acteurs, puis reprendre chacune des étapes avec toujours plus de participants.

Figure 2. Cycles d’implication citoyenne