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Boîte à outils sur la participation citoyenne

3.4 Pistes pour intégrer les acteurs communautaires à la démarche de gestion intégrée de l’eau par bassin versant (GIEBV)

Au cours de l’été 2013, le ROBVQ a dressé un portrait du secteur communautaire des OBV. Une liste de ces acteurs a été établie à partir des rencontres régionales, des résultats de différents sondages, de PDE, de listes des membres des conseils d’administration (CA) et de rapports annuels.

3.4.1 Constats et pistes de réflexion

Quelques constats et pistes de réflexion ont été tirés de cet exercice. Le portrait dénote notamment que le secteur communautaire est représenté par un nombre limité d’acteurs, et que les clientèles marginalisées sont quasi absentes du processus de GIEBV. De plus, il semble que ce secteur joue parfois le rôle de fourre-tout pour les acteurs dont la catégorisation est plus difficile.

Nous avons voulu détailler ces constats par quelques pistes de réflexion, certaines portant entre autres sur la définition même du secteur communautaire. La représentativité citoyenne est également abordée.

Une représentation peu variée, pour un secteur pourtant très diversifié

Au sein des OBV, le secteur communautaire est majoritairement représenté par les conseils régionaux de l’environnement (CRE), des associations de lac et d’autres groupes environnementaux locaux, alors que les acteurs communautaires présents sur le territoire sont pourtant bien plus variés.

Voici des exemples d’acteurs communautaires s’impliquant au sein d’OBV et pouvant contribuer, à leur manière, à la mise en oeuvre des actions, ainsi qu’aux efforts de concertation et de sensibilisation :

  • Maison des jeunes
  • Association d’handicapés
  • Fédération de canot et/ou de kayak
  • Forum jeunesse régional
  • Carrefour jeunesse emploi
  • Club ornithologique
  • Groupes d’aînés
  • Fondation québécoise pour la protection du patrimoine naturel
  • Centre d’action bénévole
  • Clubs optimistes, Cercle des fermières, Club Lion, Club Rotary
  • Scouts
Le secteur communautaire, un fourre-tout?

Le portrait indique que le secteur communautaire sert de fourre-tout aux acteurs dont les activités (syndicats de professionnels, par exemple) ou le statut juridique (OBNL) peut semer une confusion lors de la catégorisation dans l’un des cinq secteurs : économique, municipal, communautaire, autochtone ou gouvernemental.

Cette catégorisation doit-elle se baser sur la mission de l’acteur? Sur les objectifs de ses activités? Sur la provenance de ses partenaires ou de ses membres?

La deuxième version du Cadre de référence (2012) incite à catégoriser selon les activités des membres ou de la clientèle desservie :

Sous-secteurs: Afin d’optimiser le processus de la GIRE selon les particularités du territoire, il peut être opportun que : les secteurs municipal, économique, communautaire et autochtone soient subdivisés en sous-secteurs représentant un groupe précis d’activités de la zone. À titre d’exemple, le secteur communautaire pourrait être subdivisé en sous-secteurs tels que l’environnement, le tourisme et la villégiature. Le secteur économique pourrait quant à lui être partagé en sous-secteurs comme l’agriculture, la foresterie et les mines; » (Cadre de référence, 2012, page 12) Ainsi, voici quelques exemples d’acteurs classés dans le secteur communautaire, mais dont les activités, ou celles de leurs membres, peuvent porter à interprétation (la catégorisation de ces acteurs a d’ailleurs fait l’objet d’une discussion entre le ROBVQ et le MDDEFP) :

  • Agences régionales de mise en valeur des forêts privées : Puisqu’il s’agit d’un OBNL dont la mission est de mettre en valeur la forêt privée de son territoire, et de promouvoir les saines pratiques d’intervention, et que ses principaux partenaires proviennent du secteur forestier, et les personnes qui réfèrent à ses services le font notamment dans un but économique, ces agences se classent dans le secteur économique.
  • Zones d’exploitation contrôlée (ZEC) : Les ZEC ont un statut d’OBNL. Les organismes mandatés pour gérer une ZEC au nom du ministère des Ressources naturelles s’engagent notamment à planifier, à organiser, à diriger et à contrôler l’exploitation, la conservation et l’aménagement de la faune dans le respect de certains principes sur le territoire dont ils ont la responsabilité. Cet objectif cadre en effet dans le secteur communautaire.
  • Fédérations de l’UPA : Rappelons que l’UPA a pour mission principale de promouvoir, défendre et développer les intérêts professionnels, économiques, sociaux et moraux des productrices et des producteurs agricoles et forestiers du Québec. En ce sens, et puisque les membres représentés par les fédérations sont des agriculteurs, les fédérations devraient plutôt se classer dans le secteur économique, à l’instar de l’UPA.
  • Clubs agroenvironnementaux : Ces clubs sont des regroupements volontaires de producteurs agricoles dont l’objectif est de favoriser le développement durable des exploitations agricoles québécoises en adoptant des pratiques respectueuses de l’environnement. Ils offrent un accompagnement professionnel à tous les producteurs agricoles qui acquittent une cotisation et/ou une tarification horaire. Les activités de leurs membres étant axées vers un objectif économique, les Clubs agroenvironnementaux, tout comme les coopératives agricoles, devraient être classés dans le secteur économique.
  • Pourvoiries : Selon le Grand dictionnaire terminologique de l’Office de la langue française, une pourvoirie est un établissement qui offre des installations et des services pour la pratique de la chasse, de la pêche et du piégeage. Les pourvoiries cadrent davantage dans le secteur économique.
  • Campings et bases de plein-air (privé et municipal) : Les campings privés pourraient être classés dans le secteur économique, alors que le classement des établissements municipaux reste à la discrétion de l’OBV.
  • Centres locaux de développement économique (CLD): Les CLD ont un statut d’OBNL, mais ils constituent l’un des principaux acteurs régionaux en matière de développement économique. Il est plus opportun pour eux d’être représentés au sein du secteur économique.
  • Firmes d’ingénieur : Au sein de quelques OBV, des entreprises telles que des firmes de consultants semblent avoir été classées dans le secteur communautaire, alors qu’elles devraient siéger pour le secteur économique.
  • Bases militaires : Les bases militaires devraient être représentées dans le secteur gouvernemental puisqu’elles sont des entités du gouvernement fédéral.
  • Syndicats de professionnels (forestiers, etc.) : Les syndicats de professionnels devraient être représentés dans le secteur économique.
  • Secteur scolaire : Les commissions scolaires et les écoles (de niveau primaire et secondaire) se classent plutôt dans le secteur gouvernemental. En ce qui a trait aux chercheurs, des discussions sont à entreprendre avec le MDDEFP pour statuer sur la place à leur réserver.
  • SÉPAQ : Les parcs nationaux devraient se trouver dans le secteur gouvernemental.
  • Commissions régionales sur les ressources naturelles et le territoire (CRRNT), Tables de consultation régionales (TCR), Associations touristiques régionales (ATR), Régies régionales, Conférences régionales des élus (CRÉ), Zones d’intervention prioritaires (ZIP) : Des discussions sont actuellement en cours entre le ROBVQ et le MDDEFP afin d’établir la catégorisation optimale de ces acteurs, en vue de faciliter et de maximiser leur participation aux travaux des OBV.
Les clientèles marginalisées absentes du processus de GIEBV

Les aînés, les immigrants, les personnes défavorisées ou sous-scolarisées et les individus en réinsertion sociale semblent peu, voire aucunement impliqués à la démarche de concertation des OBV, ou aux actions réalisées. Pourquoi? Le manque d’intérêt provient-il de ces clientèles? De l’OBV? Ces clientèles sont-elles plus difficilement joignables? Ont-elles les ressources pour s’impliquer? Leur implication est-elle pertinente et nécessaire à la mise en place de la GIEBV? Les OBV voient-ils une pertinence à de tels partenariats? Si oui, pourquoi? Si non, pourquoi pas?

La collaboration avec les clientèles marginalisées est abordée dans la dernière section du texte.

Des acteurs plus difficiles à rejoindre, et à impliquer?

Les CRE, les ZIP et les associations de lac, par exemple, représentent des acteurs communautaires dont l’implication au processus de GIEBV est facilitée par leur intérêt et leurs connaissances en ce domaine, contrairement aux organismes communautaires à vocation sociale.

Ce faisant, l’approche se révèle parfois plus difficile avec ces dits acteurs, entre autres parce que la GIEBV leur est généralement une démarche assez inconnue. Il est donc conseillé de transiger par un acteur ayant des liens avec l’OBV et avec l’organisme communautaire social visé avant de faire les premiers pas avec celui-ci (une municipalité, un citoyen, …).

De plus, de nombreux acteurs du secteur communautaire disposent de ressources financières et humaines très limitées. Il est donc essentiel d’accorder un laps de temps adéquat pour établir un partenariat solide.

Pour favoriser l’implication de nouveaux acteurs communautaires dans les OBV, il peut être enrichissant de prendre connaissance des moyens et stratégies empruntés par des organismes de services sociaux locaux qui sont déjà implantés.

Ces différents constats démontrent l’importance de définir clairement ce qu’est le secteur communautaire.

Qu’est-ce que le secteur communautaire?

Ces différents constats démontrent l’importance de définir clairement ce qu’est le secteur communautaire.

Le premier cadre de référence (2004) définissait ainsi le secteur communautaire :

« [Il] comprend notamment les représentants d’associations, de groupes de citoyens, de groupes environnementaux et de tout autre organisme dont les activités des membres ou de la clientèle sont pratiquées à des fins non commerciales ou non lucratives (santé, éducation, culture, patrimoine, plein air, tourisme et autres). »

Or, la dernière version du Cadre de référence (2012) détaille cette définition :

«Le secteur communautaire comprend notamment les représentants : d’associations de groupes environnementaux et de tout autre organisme dont les membres, ou les clientèles pratiquent des activités à des fins non commerciales ou non lucratives (santé, éducation, culture, patrimoine, plein air, tourisme et autres). C’est dans cette catégorie que l’on trouve le sous-secteur des citoyens et des citoyennes. Dans ce cas, il s’agit de personnes physiques qui ne représentent aucun groupe ni aucune association. »

Donc, les acteurs se classant dans le secteur communautaire ont pour rôle de poursuivre des activités qui, même si elles sont rémunérées, sont sans but lucratif et ce, dans des domaines variés. Son objectif se veut de regrouper divers intérêts, allant de l’environnement au développement local en passant par des préoccupations plus humaines. Mentionnons qu’il n’est pas interdit aux OBNL d’exercer des activités produisant des revenus ou des bénéfices. Cependant, les bénéfices des organismes doivent être conservés en fiducie et servir uniquement aux fins et aux objectifs déclarés par ces organismes. (Organismes à but non lucratif – Un guide juridique, Service public d’éducation et d’information juridiques du Nouveau-Brunswick, 2010)

La représentation citoyenne

D’ordinaire classés dans le secteur communautaire, les sièges réservés aux citoyens sont une manière d’assurer une représentation citoyenne sur le territoire des OBV. Cette représentation au sein des différents comités d’OBV (conseil d’administration, tables de concertation, etc.) est un bon indicateur pour vérifier le degré d’implication de ces acteurs.

Le nombre de sièges réservés aux citoyens diffère d’un OBV à l’autre. Toutefois, c’est environ la moitié des organismes qui accorde au moins un siège aux citoyens, certains sans appartenance à une association ou à un regroupement, d’autres dont des sièges sont spécifiquement réservés à des riverains.

Cette disparité peut en partie s’expliquer par l’ancienneté de l’organisme, l’implication citoyenne propre à son territoire et son historique; rappelons que certains OBV ont été formés par des associations de citoyens avant même l’adoption de la politique de l’eau en 2002, alors que d’autres vivent leurs premières années d’existence.

Afin de motiver cette implication et de favoriser le sentiment d’appartenance des citoyens, tant au territoire qu’à l’organisme lui-même, il importe de consulter régulièrement la population en vue de cibler ses préoccupations et de l’intégrer au processus décisionnel (priorisation des objectifs et des actions, entre autres). L’implication des citoyens est essentielle et contribue à la légitimité des OBV. La consultation ne prend pas uniquement place au coeur des tribunes plus officielles (CA, tables de concertation, etc.), et les OBV sont invités à mettre en place des méthodes de participation autres que celles prévues par le Cadre de référence. Des citoyens élus par l’AGA, notamment pour leurs connaissances du territoire ou leur implication exceptionnelle, pourraient se voir attribuer un siège sur le CA ou la table de concertation.

3.4.2 Les publics marginalisés

Les publics dits « marginalisés » ne sont généralement pas impliqués à la démarche de GIEBV. En effet, la participation des groupes marginalisés à des organismes comme les OBV s’avère un défi de taille, notamment parce qu’ils vivent en retrait de la société par la pauvreté, l’isolement, et des conditions de vie précaires.

Pourtant, l’enjeu de l’accès à l’eau, par exemple, les touche particulièrement. La privatisation des rives, ainsi que l’urbanisation et l’industrialisation du territoire entravent souvent l’accès aux écosystèmes et aux usages qu’en font les communautés. Les publics marginalisés de partout au Québec se trouvent généralement parmi les premiers affectés par cette situation. Or, de récentes études démontrent l’importance d’un contact régulier avec la nature pour assurer un mieux-être au sein de la communauté, et les impacts positifs pour une meilleure santé mentale.

Afin de mieux comprendre les besoins de ces populations qualifiées de « marginalisées », d’évaluer la pertinence de les intégrer à la démarche de GIEBV et, dans ce cas, d’orienter les actions à prioriser, il est judicieux de préciser ce qu’on entend exactement par exclusion sociale et marginalisation, souvent associées au phénomène de pauvreté.

L’exclusion sociale et la marginalisation

L’exclusion sociale prend plusieurs formes, et elle se vit dans les interactions sociales du quotidien, donc dans le rapport avec les autres. L’exclusion : « […] est un processus produit par des relations de pouvoir inégal exercé par des groupes privilégiés à l’endroit d’autres membres de la société » (1). Elle opère à travers des attitudes, des regards, des paroles, des comportements, des politiques, des lois.

Il s’agit d’une notion variable selon les époques et les lieux. Cependant, de nombreux chercheurs s’entendent pour dire qu’« […] il existe dans les sociétés modernes, quels que soient leur niveau de développement et l’idéal démocratique et égalitaire auquel elles se réfèrent, des processus qui aboutissent à l’exclusion d’une partie de la population ».(2)

Quant à la marginalisation, c’est un phénomène dynamique, un processus en mutation et en constante évolution sur lequel on peut agir pour réduire les inégalités et l’exclusion. Ce rapport au social peut être interprété comme l’envers de l’intégration, de l’assimilation ou de l’insertion sociale touchant autant les individus que les groupes. Ainsi, la marginalisation est un phénomène qui imbrique la détérioration des facteurs sociaux et économiques du milieu d’appartenance et du réseau relationnel. En fait, « c’est le cumul des ruptures dans ces différentes sphères qui indique le niveau de progression dans le processus de désinsertion sociale ».(3)

La marginalisation est souvent associée à l’univers de la pauvreté, qui sous-entend généralement la vulnérabilité, la précarité et la souffrance des personnes fragilisées. La marginalité en soit, c’est la différence, laquelle complexifie l’adaptation sociale et engendre l’exclusion.

Ouverture sur « l’Autre »

Sont marginalisés tous ceux qui sont, d’une manière ou d’une autre, mis à l’écart, dépossédés de tout pouvoir, dont le pouvoir citoyen. Les inciter à s’impliquer dans les OBV, si tel est leur intérêt, leur permet-il ainsi de reprendre possession, du moins en partie, de ce pouvoir citoyen si essentiel? Les associations de la société civile (comme les OBV) ont un potentiel démocratique intéressant, et leur dynamisme contribue à élargir l’espace démocratique d’une société « […] en créant des opportunités que les institutions politiques à elles seules ne peuvent fournir ».(4)

Pour faciliter le processus d’implication de personnes marginalisées, il se révèle enrichissant de prendre connaissance des moyens et stratégies empruntés par des organismes du secteur communautaire et des organismes des services sociaux. Par ailleurs, un OBV souhaitant intégrer ces publics peut transiger par des intermédiaires du milieu, un organisme communautaire, une municipalité ou un citoyen par exemple, avec lequel il collabore déjà et qui entretient des liens avec des personnes, groupes ou populations marginalisés.

Pour contrer ces deux phénomènes que sont l’exclusion sociale et la marginalisation, l’Assemblée nationale du Québec adoptait en 2002 la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale (5). À plus petite échelle, il est possible de les contrer en vainquant nos propres préjugés, et ceux des autres. À ce propos, Centraide a produit un document en 2011 pouvant alimenter la réflexion : « Un préjugé, c’est coller une étiquette. La lutte contre la pauvreté s’arrête là où commencent nos préjugés »(6).

Bibliographie

(1) Rapport du directeur régional de santé publique 2012. [En ligne] http://www.dspq.qc.ca/asp/detpublication.asp?id=5174. Consulté 21 juillet.

(2) Paugam Serge. L’exclusion, l’état des savoirs conférence du 13/12/96. [En ligne] http://www.serge-paugam.fr/l-exclusion-l-etat-des-savoirs–id5.html. Consulté 15 juillet.

(3) Roy Shirley. L’itinérance : forme exemplaire d’exclusion sociale. 1995. [En ligne]. http://www.erudit.org/revue/lsp/1995/v/n34/005232ar.html?lang=en. Consulté 20 juillet.

(4) Alain Noel. « Une loi contre la pauvreté : la nouvelle approche québécoise de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale » [En ligne] http://www.erudit.org/revue/lsp/2002/v/n48/007895ar.pdf. Consulté 31 juillet.

(5) Vous pouvez prendre connaissance de ladite loi en ligne à l’adresse suivante : http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/L_7/L7.html.

(6) Le document est disponible en ligne à cette adresse : http://www.erudit.org/revue/lsp/2002/v/n48/007895ar.pdf.